Devant la véritable catastrophe industrielle qu’est la série de SF Raised By Wolves, le téléspectateur accablé en est réduit à se demander quel a été le rôle de son idole Ridley Scott dans cette sombre affaire.
Même si l’on a, depuis un certain temps, du mal à associer le nom de Ridley Scott avec une quelconque réussite cinématographique, l’annonce de la sortie d’une nouvelle série de SF à laquelle il était intimement associé, Raised By Wolves, a provoqué une certaine excitation : quand on a appris que notre cher vétéran des histoires d’androïdes devenant humains et de monstres extra-terrestres avait réalisé deux premiers épisodes sur les 10 de cette première saison (… et confié trois autres à son fils Luke…), la plupart d’entre nous ont interprété le fait que le showrunner, Aaron Guzikowski, n’avait jusque-là pas grand-chose de conséquent à son actif (hormis quand même le scénario de Prisoners de Villeneuve…) comme la preuve que la série serait avant tout le « bébé » de Scott.
Et de fait, le premier épisode, assez impressionnant, porte la marque du grand réalisateur britannique : entre les thématiques (multiples…) abordées – la création de la vie, la survie sur une planète hostile, la place des androïdes dans le futur de l’humanité – et l’ampleur assez majestueuse de la mise en scène, et ce d’autant que HBO semblait avoir mis un « max » (humour) de moyens dans la série, renvoyait directement à la filmographie de Scott. Bien sûr, on pouvait rapidement tiquer devant la laideur kitsch de certains décors, vêtements, etc. (et ne parlons même pas du Necromancer !), et devant le gloubi-boulga assez gênant de la « réflexion » sur les guerres de religion, mais on se sentait d’humeur généreuse devant un projet ambitieux qui méritait notre attention.
Or, arrivés à la fin du dixième épisode, quand le générique défile, on ne ressent rien d’autre qu’un mélange de fatigue et de soulagement, et l’envie de claironner qu’on vient de survivre à la série la pire et la plus ennuyeuse de 2020. On est forcément un peu déstabilisés par un nombre raisonnable de critiques positives, qu’on a envie de justifier par la fidélité insane des fans de Scott à leur leader iconique (pas très loin des disciples de Sol, nos amis !), car on peine à identifier une seule chose positive à dire à propos de ce naufrage… hormis quand même la présence magnétique de l’actrice danoise Amanda Collin qui rendrait fascinante, au hasard, la lecture des conditions d’utilisation de Google.
Pour le reste, il semble impossible d’établir une liste exhaustive de tout ce qui ne va pas dans Raised By Wolves, mais commençons par le plus évident : mal écrite par des gens qui n’ont visiblement aucune idée de la direction dans laquelle emmener leur récit, la série nous donne à contempler, consternés, une suite monotone d’interactions plates entre des personnages mal définis, changeant de lieu, de comportement, voire de personnalité sans aucune logique, ce qui est évidemment générateur d’ennui mortel ; mal interprétée par des acteurs qui, et ce n’est sans doute pas leur faute, peinent à identifier ce qu’ils doivent faire de leurs personnages (Travis Fimmel, qui jouissait d’une petite réputation grâce à Vikings, est en particulier très rapidement insupportable, au point qu’on en arrive à avoir envie de zapper toutes les scènes où il intervient), la série nous prive de la moindre empathie vis des protagonistes, tous plus irritants les uns que les autres ; mal réalisée par des tâcherons qui peinent à imprimer un rythme à cette sinistre affaire, Raised by Wolves se résout peu à peu à focaliser son attention (et la nôtre ?) sur les détails gore ou simplement répugnants d’une histoire qui se repaît visiblement de ce genre de choses.
On n’avait pas envie de mentionner la confusion intellectuelle navrante dans laquelle sombre le débat entre croyants et athées, que les scénaristes croient renouveler (!?) en faisant des fanatiques de dieu (pardon, Sol) des as de la technologie tandis que les « athées » sont des adeptes de l’usage d’enfants se faisant exploser au milieu de la foule des fidèles, mais il est clair que nombre de scènes peuvent germer que dans l’esprit d’états-uniens au cerveau lavé depuis l’enfance par la certitude qu’il ne peut exister de « salut » hors de la « spiritualité », et n’ayant bien entendu jamais ouvert le moindre ouvrage de philosophie. On aura toutefois bien ri (jaune, mais quand même) devant l’épisode entier consacré au rejet de la consommation de viande, qui prouve surtout que Raised by Wolves n’a vraiment rien à nous raconter.
Après une telle souffrance, nous devons, la mort dans l’âme, admettre que, s’il y a une seconde saison à ce véritable désastre industriel, nous ferons l’impasse dessus. Et que nous attendons avec encore plus d’inquiétude le retour (possible ?) de Ridley Scott sur les grands écrans avec son projet pourtant prometteur de The Last Duel…
Eric Debarnot