Parce qu’on n’en finit pas d’être captivé par ESTOUEST, l’album de Miegeville, de le déguster comme un grand cru long en bouche, il était grand temps de soumettre le Toulousain à la question. Voici donc ses réponses à notre fameux « questionnaire de Proust », qui en dévoilent un peu plus sur cet artiste près de notre cœur.
Le principal trait qui vous caractérise :
C’est très dur de répondre à ce genre de questions sur soi… Je dirais la transmission des émotions. La musique est venue très tôt, comme une sorte de porte de sortie à une existence pleine de complexes et de blessures silencieuses. Je pense arriver à poser des mots sur ce que les gens ressentent et qu’ils ne peuvent exprimer.
La qualité que vous désirez vraiment avoir :
L’authenticité. Comme une part de vérité absolue. Que j’ai tort ou raison, qu’on puisse se dire : ce gars ne ment pas, il nous parle vrai. Je pense que c’est ce que je recherche le plus, c’est mon but de viser cela, et c’est très difficile au final !
La qualité que vous aimez retrouver chez les artistes et les groupes que vous écoutez :
La spontanéité. Je suis tellement fatigué des artistes au discours pré-conçu, pré-mâché, pré-établi. J’adore quand on sent que l’artiste est vraiment en train de vivre quelque chose, que son concert du jour est différent de celui de la veille. C’est très dur de sortir de ses habitudes et de cette zone de confort, mais en tant que spectateur, c’est jouissif !
Ce que vous appréciez le plus dans la manière dont vous « fonctionnez » pour créer de la musique :
La liberté totale je pense. Je peux écrire demain un album de slam atmosphérique ou un album de pop music exotique. Tout est possible et c’est un luxe énorme. Je fonctionne à l’envie, à l’instinct artistique primaire, à mes propres dépens commercialement parfois. Je fonctionne au coup de cœur, à la recherche de l’émotion renouvelée. J’aime cette curiosité qui fait mon piment quotidien, c’est un piment doux qui permet de ne jamais s’ennuyer.
Votre principal défaut :
Depuis l’enfance, je reste pétrifié par le regard des autres. J’ai été longtemps traumatisé par des anciennes angoisses, et j’ai du mal à m’en départir. Le doute m’envahit souvent, et la peur gouverne même parfois. Cette peur me fait faire de mauvais choix, me paralyse dans ma volonté d’être simplement moi-même, m’empêche de m’affirmer pleinement.
Ce que vous faites en dehors de la musique :
C’est lié à la question précédente. Je mets énormément de temps et d’énergie dans une activité corrélée à la musique : je travaille auprès des jeunes, dans les collèges et lycées, dans le cadre d’actions culturelles pour la prévention du mal-être chez les jeunes. C’est ma façon à moi d’essayer d’éviter à certains gamins de vivre les mauvais moments que j’ai vécus. Ça me nourrit beaucoup d’avoir cette action, socialement, et le fait d’être auprès de jeunes revigore énormément : leur fougue, leur humour, leur innocence. C’est aussi un partage, et c’est toujours un moment émouvant, éprouvant mais régénérateur.
Votre plus grand rêve :
J’aimerais me faire écrire un album par Zazie. Ou quelqu’un que je respecte fort artistiquement. J’aimerais vivre cette aventure de création en commun, avec le regard de quelqu’un riche en expérience, mais aussi maitre en écriture, en émotion. Le regard d’une femme est spécifiquement intéressant, je trouve, sur une musique qui se veut sensible comme la mienne. Et j’adore Zazie pour ce qu’elle transmet et ce qu’elle a composé. L’album Cyclo est un monument sous-estimé.
Votre pire cauchemar :
Subir un cyber-bashing, comme ce qu’a subi Camélia Jordana par exemple, suite à ses propos sur la police, pourtant sincères et sans réelle agressivité. Vincent Lindon a parlé lui face caméra pour dénoncer les gouvernants actuels, et on lui demande de fermer sa gueule car il gagne beaucoup d’argent. On s’étonne que les artistes ne prennent plus position, contrairement aux années 80. Mais c’est complètement logique. Une seule prise de position, et tu es cloué au pilori. Internet, c’est devenu le café du commerce où le plus illettré des soiffards du PMU a autant de poids qu’un gars qui a eu le Prix Nobel. C’est l’idiocratie en marche et ça me fait flipper.
Si vous n’étiez pas Miegeville, vous seriez quoi ? :
J’ai une licence d’histoire, donc je pourrais être prof. Ça m’a déjà traversé l’esprit de me reconvertir, parfois, comme pour avoir un nouveau challenge personnel. Mais en attendant, je veux bien devenir écrivain. D’ailleurs, j’ai déjà fait trois recueils de poésie, et là, je cherche un éditeur pour mon premier roman. Le monde de l’imaginaire me poursuit !