Palberta5000 est un album fascinant, le digne successeur de Bye Bye Berta et Roach’ Goin Down. Toujours pas de pop song, malgré ce qu’en dit le groupe, mais des morceaux de poésie expérimentale, qui restent dans la tête.
Après deux albums pleins jusqu’à ras-bord – 20 titre sur Bye Bye Berta (2017) et 22 sur Roach Goin’ Down (2018) – Palberta a quelque peu réduit la voilure puisque seulement (!) 16 titres figurent sur Palberta5000. 6 morceaux de moins ? Dommage… ces pastilles – quelquefois très courtes – étaient si intéressantes et plaisantes… mais Palberta reste Palberta. Comme on peut le lire sur leur page bandcamp, “we haven’t strayed too far from who Palberta is, defiantly Palberta. And no one will shape us to be otherwise.” Tout en changeant. C’est bien. C’est un peu la moindre des choses pour des artistes. Mais ce n’est pas forcément facile et pas gagné d’avance. Après tout Bye Bye Berta et 22 sur Roach Goin’ Down n’étaient pas si dissimilaires. Mais le dernier album du groupe New-Yorkais – Lily Konigsberg, Anina Ivry-Block, and Nina Ryser – ressemble en effet aux autres, sans toutefois trop y ressembler.
des morceaux plus longs et plus pop que par le passé
Ce qu’il y a de nouveau – et intéressant – avec Palberta5000 vient de ce que les morceaux sont plus longs que la plupart de ceux des albums précédents – il n’y a rien ici en dessous des 2 minutes. Durer demande quelque chose en plus. C’était d’ailleurs un objectif – “attempting to make songs longer than 50 seconds” – comme l’était de faire des chansons plus pop – “pop music has become our fixation. Throughout the making of ‘Palberta5000,’ we were focused on making music that people could not only sing along to but get stuck in their heads”. Dit comme ça, il y aurait quelque chose de presque inquiétant… ce qui faisait Palberta était précisément que rien ne tenait debout tout seul et arrêté ; il fallait du mouvement. Rien n’allait de soi. Rien n’était acquis à la première écoute – ou alors vous jetiez immédiatement l’album à la poubelle. Il fallait se plonger dedans et dès qu’on se plongeait dedans, on ne voulait plus en ressortir. Ce qui faisait Palberta c’était une expérimentation bruitiste complètement euphorisante. Faire un disque pop ? Des morceaux qu’on chante sous la douche ??
Urgence, vitesse, et enregistrement live…
Il est vrai que certains morceaux ont une mélodie que l’on identifie plus facilement et qui accroche – donc, oui, cela reste dans nos têtes. Mais on retrouve aussi ce qui a fait leur succès et réputation, ce qui a surpris et ravi depuis que le groupe produit des disques et donne des concerts.
On retrouve ici la même urgence, la même vitesse, le même son live que celui des concerts. Comme pour Audiotree ou leur Chinatown session, Palberta5000 a été enregistré en 4 jours ; pas plus de 3 prises par morceau. Il y a toujours la même cohérence – pas étonnant, les 3 membres du groupe jouent de chaque instrument et alternent. Il y a toujours cette discordance permanente des guitares et de la basse… mais à certains moments il n’y a guère que la batterie qui sonne juste – d’ailleurs, la chronique de Bye Bye Berta sur Pitchfork rapporte qu’Anina Ivry-Block aurait déclaré qu’elle « n’a jamais vraiment appris à jouer des chansons à la guitare ou sur un autre instrument.”
On y retrouve aussi ces voix qui elles non plus ne sonnent pas parfaitement juste et ne cherchent pas vraiment à le faire, ce même chant – pas vraiment chanté, d’ailleurs – à la limite de l’incantation, des sortes de mélopées plus joyeuses que vraiment mystiques – surtout quand les trois filles reprennent les morceaux ensemble. On y retrouve aussi la même batterie – toujours assez présente chez Palberta, jamais mixée en arrière des autres instruments ; une batterie qui martèle les rythmes, quelquefois jusqu’à l’agacement, et emballe les morceaux de roulements de fanfare.
Palberta5000 est un album pas lisse, épineux, plus acéré que rugueux. Le digne successeur de Bye Bye Berta et Roach’ Goin Down. Plus ambitieux ? Plus intéressant ? Je n’arrive toujours pas à savoir. Du même niveau, au moins. Comme eux, c’est une certitude, il reste dans la tête. Et on ne peut qu’avoir envie d’y revenir. Entêtant. Et d’une certaine façon, très poétique. Comme les projets solos de Nina Ryser – déjà 6 albums – et Lily Konigsberg, un brin plus plus harmoniques qui sont taillés dans la même matière poétique. Palberta un groupe qui ne ressemble pas tout à fait à rien de connu mais qui est passionnant, qu’il faut continuer de suivre. Et ne pas oublier de suivre les projets solos de ses membres !
Alain Marciano