Après son remarqué Au pied de la falaise, ByMöko retourne en Afrique pour nous rapporter quelques images superbes évoquant aussi bien le fonctionnement des sociétés traditionnelles africaines que les mythes fondateurs : c’est magnifique, mais un peu court…
L’Afrique : ses mystères, ses splendeurs, ses horreurs, ses mythes. Des images, sublimes, cauchemardesques, effrayantes, plus grandes en tout cas que celles du reste de la planète, de quoi remplir des milliers de pages de romans, et peut-être encore plus de pages de bandes dessinées. Et ça tombe bien pour tous ceux qui ont vécu en Afrique et en sont forcément tombés amoureux (impossible d’y résister…), car ByMöko, le dessinateur / musicien qui nous a déjà offert Au pied de la falaise en 2017, revient nous envoûter en ce début d’année avec sa propre vision du continent magique : il nous offre ce cadeau raffiné – et esthétiquement superbe – qu’est Aduna – Monde visible / Monde invisible, une illustration en images, avec peu de mots et sans « intrigue », de la richesse de la culture traditionnelle africaine.
N’étant pas experts en la matière, il nous est impossible de juger si ByMöko se livre à une interprétation personnelle de rites, de traditions, de légendes africaines, ou si, au contraire, ses dessins sont basés sur des objets, des gens, des rites « réels » – enfin pour la partie « monde visible » de Aduna : c’est que l’Afrique, c’est grand, c’est varié, comment donc pourrait-on prétendre en faire le tour en une trentaine de pages « muettes » ?
En tous cas, chaque page tournée révèle une beauté puissante, que l’on soit dans la partie diurne – « visible », sur fond blanc – ou nocturne – « invisible », sur fond noir -, forcément plus fascinante, car effrayante avec son lot de divinités et de monstres peu compréhensibles pour nous… ou en tous cas bien différents de ce que notre propre bestiaire fantastique occidental recèle. Le dessin de ByMöko est impressionnant d’élégance, de justesse et de profondeur à la fois. La mise en couleur, sobre et efficace, et l’agencement des pages, au-delà de la dichotomie voulue, composent un objet magnifique, que l’on a envie d’offrir à tout amateur de beaux livres.
Il reste que l’on referme – trop vite – la dernière page, avec une légère frustration : sans doute l’amoureux d’histoires en nous aurait-il préféré que ByMöko insère tout ce riche, ce puissant décorum dans un récit, plutôt que de nous livrer un simple catalogue, aussi beau soit-il… Ou, autre alternative attrayante, qu’il soit allé plus loin, plus dans le détail, plus dans la description de ce monde fascinant : avec, disons, un minimum de cent pages, il aurait sans doute réussi à nous embarquer dans une découverte plus satisfaisante de ces « contes et légendes africaines ».
En l’état, Aduna est, on l’aura compris, un beau livre, mais il ne constitue qu’un avant-goût de tout ce que ByMöko pourrait encore nous raconter sur l’Afrique.
A suivre, donc ?
Eric Debarnot