Entraîné par la fougue de Kuroda, Kawashima trompe son ennui dans un monde du spectacle où le Japon vaincu vient oublier et s’émouvoir le temps d’une représentation. « Comédie », le très attendu tome 5, est-il aussi bon que les précédents ?
Au fil des pages, les héros de Sengo cherchent à redonner du sens à leur vie brisée. Sans jugement moralisant ni misérabilisme outrancier, Sansuke Yamada alterne habilement tragique, burlesque et grivoiseries, réussissant l’exploit de maintenir, dans un monde dévasté, une once d’espoir. Dans les premiers volumes le scénariste a su renouveler ses thèmes, le mutisme et la camaraderie retrouvée, les traumatismes de la guerre, la famille recomposée, puis le retour du père indigne.
Nous retrouvons dans l’opus 5 le sergent Tokutarō et le truand repenti Kadomatsu. Les vétérans se lancent dans une carrière artistique. Le sergent écrit une pièce pour des danseuses nues et offre un rôle à Kadomatsu. Le succès est tel que Toku sort de son mutisme et semble prendre goût à la vie, très libre, des comédiennes. Privilégiant la compagnie des jeunes femmes, il délaisse sa cantine et les orphelins qu’il avait pris sous son aile.
Trop d’hommes sont morts ou disparus. Confinées jadis par un sévère patriarcat, les femmes doivent apprendre à survivre par elles-mêmes. Les GI en profitent. La pression américaine s’accentue. Les vainqueurs prenant leurs aises, leur présence est plus difficilement supportée par la population.
Le trait de Yamada demeure classique, juxtaposant des séquences rapidement brossées, avec d’autres plus travaillées, notamment de belles séances de bagatelle et une courte scène de cauchemar. Comme s’il prenait son temps avant de conclure son histoire, les enjeux sont moins forts que dans les épisodes précédents. Vivement les deux derniers tomes.
Stéphane de Boysson