Révélation de ce début d’année 2021 avec leur très attendu For the First Time, le groupe Black Country, New Road fait souffler un vent de fraicheur dans le rock actuel avec un album qui sort franchement des sentiers battus.
Face au gloubi-boulga instrumental des premières secondes d’ouverture, le commun des mortels pourrait prendre peur et cesser l’écoute d’emblée. Les plus avertis et aguerris savent qu’il s’agit de Black Country, New Road, dont For the First Time, le présent album était attendu de pied ferme en ce 5 février 2021. Alors on s’accroche, et on poursuit l’écoute de Instrumental, titre d’ouverture tout d’abord âcre, intriguant, entrainant puis finalement lassant car sans doute trop long, bien que calqué sur le concept louable d’un The French Open de Foals.
Le message est clair : nos sept lurons de Londres savent utiliser leurs instruments, et le résultat final sera bien loin d’un quelconque mastering minimaliste, récurent et pusillanime propre à la musique alternative depuis quelques années, sans doute grâce à la présence d’un certain Andy Savours (My Bloody Valentine) aux manettes !
Mais pourquoi un tel engouement envers ce groupe ? Est-ce parce qu’ils s’étaient brièvement manifestés en 2019 avec un prodigieux et unique single Sunglasses, long de 10 minutes environ, alors que la tendance était plus axée sur des morceaux courts ? Est-ce parce que leurs seules apparitions depuis ont été de remarquables passages en festival ou sur scène au BBC 6 Music Session, ou encore aux côtés de groupes comme Fat White Family ou Black Midi ? Est-ce parce que tout le monde se demandait alors qui étaient ces merveilleux gamins qui avaient l’audace de faire du rock lo-fi en parfaite synergie, et de se faire accompagner par un violoniste et un saxophoniste ? Est-ce parce qu’ils ont été aperçus sur ARTE LIVE entre deux shows d’Ed O’Brien (Radiohead) et de Kim Gordon de Sonic Youth – un groupe dont l’inspiration est très palpable ? Probablement un peu de tout cela…
Le dessein d’Isaac Wood (chant & guitare) est ici clair : faire transparaître l’énergie et l’authenticité d’un live sur ce premier album studio, quitte à retravailler des « early tracks » comme l’excellent Athens, France.
A l’exception du titre d’ouverture, la structure instrumentale prend son envol avec le chant : une voix tremblante et des textes tantôt tourmentés tantôt engagés – voire un tantinet provocateurs (« To the UE BOOM, They ask me Why don’t you sing with an English accent ? Well, I guess it’s too late to change it now […] ») – qui pourraient presque rappeler un certain Jim Morrisson, si ce dernier ne s’était pas obstiné à vouloir jouer les poètes maudits.
« Pour cette première fois », Black Country, New Road frappe très fort, en voulant casser les codes d’un style déjà dépourvu de règles tel que le noise rock, en ramenant à la surface des gimmicks et certaines sonorités qui n’avaient pas été entendues depuis le Marquee Moon de Television ou le Sister de Sonic Youth… quitte à parfois se perdre dans des digressions cacophoniques malencontreuses comme sur un Science Fair qui semble surtout bâclé.
Une chose est certaine : leur passage prévu au Trabendo dans le monde d’après sera incontournable.
Nayl Badreddine