Peut-on rire de tout ? Oui, absolument, et Téhem ne s’en prive pas, en imaginant son Avocat du Diable défendant les pires monstres, réels ou imaginaires. Et on rit beaucoup, même si nos questions sur ce sujet difficile restent sans réponse.
Même si l’on admet tous que tout être humain accusé d’un crime, quel qu’il soit, à droit à la présomption d’innocence, et une fois inculpé à droit à une défense professionnelle lors de son jugement, on a aussi quelque fois à imaginer ce qui pousse certains avocats spécialisés dans la défense de personnalités « extrêmes » ou de cas « indéfendable » à s’engager dans un tel processus : passion pour la Justice, ou goût du défi ? Ou, plus trivialement, recherche de la célébrité, même au prix du scandale ? Le nom de Jacques Vergès vient naturellement à l’esprit quand on parle « d’Avocat du Diable », tant on a pu avoir du mal à concilier son passé de résistant et de militant anticolonialiste avec sa défense de Klaus Barbie, d’un dirigeant khmer rouge ou encore du terroriste Carlos… Et ce n’est sans doute pas une pure coïncidence si l’avocat du livre de Téhem a un petit quelque chose – voir plus – de Vergès !
Voici donc notre « Avocat du diable » défendant Hitler (qui croyait en l’Art…), Khadafi, Trump, mais aussi Michael Jackson, Monsanto, et… King Kong, Barbe-bleue, Sauron ou Darth Vador… ce qui nous vaut des gags délirants en 4 cases sur le principe de 1 accusé = 4 dessins = 1 page qui structure l’intégralité du livre. Bien sûr, même si l’humour de Téhem fait la plupart du temps mouche, il court le risque du mauvais goût – parfaitement assumé – et du politiquement incorrect – ce qui est parfaitement réjouissant en notre époque de consensus mou.
Il y a en revanche un risque de lassitude si l’on enchaîne toutes ces « plaidoiries » absurdes et gaguesques les unes après les autres, risque que Téhem a bien senti, et qu’il désamorce en imaginant d’une part l’impact de sa vie professionnelle sur la vie intime et de couple de l’avocat, et d’autre part ses tentatives lamentables de harassement sexuel sur une stagiaire à l’opulente poitrine. Là encore, on frôle le mauvais goût, voire même une certaine grossièreté « beauf » qui fera que tous les gags ne seront pas du goût de tout le monde. Suivant ses propres opinions, on appréciera ou en réprouvera ce genre d’humour, mais il est impossible d’en nier l’efficacité, portée en plus par un graphisme simple, ultra-lisible et percutant.
Reste que, et Téhem, espérons-le, nous pardonnera cette réserve, que Avocat du Diable ne va jamais se frotter avec la question du « pourquoi ? » qui nous trottait dans la tête. Cette énigme « existentielle » mérite sans doute un livre un peu plus ambitieux que ce réjouissant Avocat du Diable…
Eric Debarnot