New Fragility, le nouvel album du groupe new-yorkais Clap Your Hands Say Yeah, dont le chanteur-guitariste Alec Ounsworthe reste le seul rescapé de la formation d’origine, renoue avec des compositions solennelles et bouleversantes.
Il est loin le temps où le groupe Clap Your Hands Say Yeah créait le buzz avec son premier album éponyme sur internet et dans la presse spécialisée. Car en 2005, CYHASY était arrivé à point, proposant un rock indie malicieux dont l’inspiration tenait autant des Talking Heads que Yo La Tengo en passant par Arcade Fire. Mais l’originalité résidait dans la voix particulière de son chanteur-guitariste et compositeur Alec Ounsworth. Depuis les choses se sont gâtées, les musiciens, tous originaires de Brooklyn, ont quitté le groupe et les disques suivant s’avéraient de moins en moins excitants malgré quelques fulgurances.
New Fragility renoue enfin avec l’inspiration tant certains titres retiennent l’attention dès la première écoute. Les textes relatent avec force les traumatismes causés par les années de présidence Trump, les titres des chansons en disent long sur les états d’âmes du chanteur.
Hésitation Nation ouvre l’album, le débit rapide emporte tout sur son passage, les instruments se font discrets jusqu’à l’éruption instrumentale. Il y est question de pollution mentale et de questionnement quant au dessein de la société américaine, qui n’est pas sans rappeler les textes de Dan Bejar le chanteur de Destroyer. Des états pas si unis qui ne trouvent aucune excuse sur le touchant et entraînant Thousand Oaks, nom du lieu de la tragique fusillade du « Borderline Bar And Grill » en 2018.
Mélodiquement redoutable comme pouvait l’être Grandaddy, ce titre est un des moments forts du disque. Suivi de New Fragility qui foisonne de chœurs, de pianos dans un mélange foutraque et organisé aux paroles bien pessimistes. Une composition qui flirte avec le rock 70’s, le son boisé mettant en évidence des violons à leur aise.
Mirror Song au piano voix intimiste se laisse rattraper par l’instrumentation pour un résultat émouvant où il est question de la condition du musicien en tournée et « la culpabilité d’avoir tant d’opportunités mais de se sentir vide à l’intérieur n’est pas facile à concilier. » selon le leader de Clap Your Hands Say Yeah.
Il aura fallu des traumatismes et des remises en question afin qu’Alec Ounsworth retrouve confiance et compose un disque poignant. Comme quoi, l’angoisse peut être salvatrice chez certains.
Mathieu Marmillot