Pour qui vient de Djakarta, la France, c’est très beau et très policé. Emmanuel Lemaire nous propose une étonnante invitation au voyage, en France et en train, à la suite de « Madame Hibou », une jeune prof indonésienne.
Emmanuel Lemaire travaille dans une bibliothèque le jour et dessine la nuit. Il sympathise avec sa voisine, qui se révèle indonésienne. Passionnée par notre culture, cette ancienne professeure d’université a choisi de s’installer à Paris. Elle gagne sa vie comme interprète et, chaque week-end, sillonne la France en train. Surpris, il découvre, que cette étonnante étrangère connait mieux le pays que lui. Au fil des semaines, elle visite Charleville-Mézières, Dijon, Niort, Châteauroux ou Dieppe, sur les pas d’Arthur Rimbaud, Victor Hugo, George Sand ou Michel Houellebecq. Séduit, il nous raconte cette étonnante rencontre.
Dans ce crossover entre le roman graphique et l’autofiction, Lemaire relate son histoire à la première personne. Non seulement, nous découvrons la France vue par une étrangère mais, en parallèle, nous nous initions à l’Indonésie. Ce dispositif a jadis été créé par Montesquieu pour ses Lettres persanes. Usbek et Rica cèdent la plume à madame Hibou. Si le ton est moins ironique, la lecture est tout aussi riche, l’auteur parsemant son propos d’informations précises, de souvenirs et de réflexions originales.
Lemaire dessine à l’ancienne, à la plume. S’il croque rapidement ses personnages, le travail est plus précis sur les paysages. Il ne craint pas de camper, à main levée, de fort complexes vues aériennes de Paris et des cités visitées. Grace à un important travail de repérage, sa campagne est criante de vérité. S’affranchissant des contraintes classiques du gaufrier, le découpage des pages facilite la lecture.
L’Indonésie, c’est le tout autre. Madame Hibou est libre, originale et attachante. « Je descends au terminus et je vadrouille en regardant partout autour de moi. » Elle compare, s’étonne et nous interroge. La bande dessinée se fait introspective, Lemaire nous invite à réfléchir sur la différence qui enrichit, la saine curiosité et la tolérance. Notre pays est riche, beau et policé, jusque dans ses petites villes assoupies. Faites comme elle, prenez le train ou le bus, ouvrez les yeux et partez à la découverte.
Stéphane de Boysson
Ma voisine est indonésienne
Scénario et dessin : Emmanuel Lemaire
Éditeur : Delcourt, collection Shampooing
125 pages – 16,95 €
Parution : 20 janvier 2021
Ma voisine est indonésienne — Extrait :