Animal Collective revient dans une formation inédite le temps de composer une bande son hors du temps pour le film Crestone. Un album dans la droite lignée de Tangerine Reef … réservé aux plus courageux.
Parmi les groupes réputés pour avoir une activité florissante peu importe le contexte ou le temps qui passe, Animal Collective est fait de ce bois-là. Avec 4 membres dont les différentes combinaisons et side projects sont autant de pierres à l’édifice, il est rare de passer quelques mois sans une nouvelle actualité. Le groupe n’est certes plus à plein régime depuis l’ère Painting With mais a su diversifier ses activités et sa manière de faire.
Si Panda Bear et Avey Tare alias Noah Lennox et David Porter ont multiplié les sorties solo, ils se sont aussi un peu plus retirés de la formation initiale. Panda Bear étant maintenant exilé au Portugal, son intervention sur les sorties officielles du groupe ont diminué au profit de la sortie d’un album et d’un ep lors des récentes années. Quand à Avey Tare, chose inédite, on le retrouvait absent d’un single sorti fin novembre 2018 au profit de la préservation des fonds marins en featuring avec la musicienne Ami Dang.
Et Suspend The Time n’a rien d’anecdotique pour aborder l’album dont il est question aujourd’hui, car il est le fruit d’un duo jamais vu jusqu’alors puisque composé des deux autres membres qui n’ont pas encore été évoqués : Deakin (Josh Dibb) et Geologist (Brian Weitz).
Deakin est le grand absent d’Animal Collective, il abandonne le quatuor au pire moment, soit la sortie de Merriweather Post Pavillion, un succès mondial à l’échelle indie qui assoira la réputation du groupe. Un petit bijou pop dont il avouera bien évidemment regretté de ne pas y avoir pris parti même si il était fier pour les copains. Son retour à la fin des années 2010 était donc une bénédiction pour les fans même si il n’aura débouché sur aucun gros album.
Geologist quand à lui est l’homme machine du groupe, un savant alchimiste qui transforme les ondes sinusoïdales et les sons de la forêt en douces nappes éthérées sur lesquelles viennent se poser les voix et instruments des 3 autres larrons. Homme de l’ombre, il est pourtant aussi important que n’importe lequel des autres mais effectue une tâche bien plus discrète et bénéficie d’une carrière solo plus en retrait – on le retrouve à la tête d’une émission radio et de quelques remix mais pas d’album.
Alors à l’annonce d’une B.O pour le film Crestone on a quand même des appréhensions. Déjà pour le plot du film qui parle de rappeurs Soundcloud qui errent dans le désert du Colorado. Il devient alors surréaliste de demander à un groupe d’Art Pop d’effectuer la bande son. A la vue du trailer il apparaît pourtant évident que le film traite bien plus que du rap mais du rapport à l’environnement, de ce désert assourdissant qui borde toute la ville et d’hommes qui s’entraident et tente de survivre.
Dès lors, l’ost de Crestone fait son boulot. La quelque quinzaine de courts morceaux qui la composent sont mystiques avec des structures peu ou prou identifiables et un énorme travail sur les ambiances sonores. Dans la droite lignée de Tangerine Reef (album visuel encore une fois sur la sauvegarde de la nature), il ne faudra rien attendre de particulièrement notable. Geologist use et abuse des sonorités drones, si bien qu’il devient impossible de détecter la fin ou le début d’un morceau. Crestone paraît comme un long rêve vaporeux, un mirage qu’on ne peut toucher du bout des oreilles.
Les quelques envolées à la guitare de Deakin interviennent alors comme des bouffées d’air frais à l’instar du très beau Oh California, véritable note d’espoir. Sand That Moves, le single principal rappelle grandement la précédente collaboration des deux hommes avec ces cordes venues d’un autre monde et les percussions de Dome Yard nous laisserait penser qu’on se retrouver chez les Gorons de Zelda !
Il y a donc beaucoup d’images visuelles et sonores qui ponctuent la grosse demi heure de cette première sortie de l’année d’Animal Collective. Mais aussi agréable que soit l’écoute, tout bon fan espère encore et toujours le prochain album majeur des petits gars de Baltimore qui n’ont pas fait bouger les têtes depuis leur dernier tube Floridada.
Il faut peut être se faire une idée et se dire que Crestone sacralise le changement d’idéal d’une formation qui a déjà plus de 20 ans et s’est forcément assagie. Les rares apparitions lives des trois dernières années laissaient entendre plus de contemplatifs et
Bridge To Quit, dernier EP en date avait un titre équivoque. On ne retrouve sur Crestone d’ailleurs aucune paroles si ce n’est des samples du film, Geologist (ayant très peu chanté jusqu’à présent à part sur Golden Gal) et la magnifique voix de Deakin restent en retrait pour ne servir le film et rien que le film.
Une nouvelle sortie donc pour contenter les fans mais qui seront forcément un peu sur leur faim. Il ne nous tarde plus que de voir le résultat en action avec la sortie du film de Marnie Ellen Hertzler en VOD prévue prochainement.
Kévin Mermin