Si on ressent aujourd’hui (et plus que jamais…) le besoin de s’arrêter pour réfléchir à ce signifie vivre, alors When the Day Leaves, et son folk calmement crépusculaire, pourrait bien être l’album parfait pour une remise en question raisonnée de notre rapport à l’Art, à la nature, et à ceux que nous aimons…
Valley Maker, c’est qui, c’est quoi ? Eh bien, en deux mots, c’est Austin Crane, musicien apparu voilà 5 ans à Seattle, qui joue non pas une version actualisée du grunge qui a rendu la ville célèbre, mais plutôt ce qu’on peut qualifier paresseusement d’Americana… Grosso modo du côté d’un Kurt Vile, en plus rustique quand même. Et When the Day Leaves est déjà son quatrième album, qui marque son déménagement – son retour au pays, en fait – en en Caroline du Sud.
Beaucoup de guitare acoustique, quelques accords électriques occasionnels, un violon qui s’invite régulièrement, voire des cuivres légers (… sur Line Erasing). On aimera ou pas la voix plaintive d’Austin, une voix qui oriente même occasionnellement le folk de Valley Maker vers la country la plus traditionnelle, comme sur le titre éponyme, When the Day Leaves, qui conclut l’album… L’un des charmes de l’album réside, ne le nions pas, dans l’équilibre entre le chant d’Austin, et son accompagnement par une voix féminine (Amy Godwin, qui revient après une pause dans leur collaboration). L’ambiance générale est largement nostalgique, très calme et sans doute un peu trop uniforme pour ceux qui préfèrent le musique un peu secouée…
Dès l’ouverture, Branch I Bend, avec ses arpèges tranquilles et la construction ravissante des deux voix, tout est là : l’introspection, les doutes, le besoin de réfléchir sur un certain sens de l’existence, sans aucune prétention (heureusement !), tout ce qui fait de ce When the Day Leaves un compagnon bienvenu lorsque le soir tombe et que la vie semble trop compliquée, confuse plutôt pour être simplement vécue sans y penser : « Hold on, day, don’t drown away / The sound I love, the life I’ve made /The branch I bend, but do not break / It’s all in a day’s work » (Tiens bon, journée, ne te noie pas / Le son que j’aime, la vie que j’ai faite / La branche que je plie, mais ne casse pas / Tout est dans le travail d’une journée).
Mockingbird a lui quand même un côté quasiment romantique, avec une fois encore la richesse de la conjugaison des deux voix et avec un texte « amoureux » beaucoup plus positif que le reste de l’album : « We watch the day grow dim / How it tries to start again / We walk the dog in tune / Part of me is alive in you » (Nous regardons la journée s’assombrir / Comment elle essaie de repartie / Nous promenons le chien en harmonie / Une partie de moi est vivante en toi).
Même si When the Day Leaves est un tantinet trop long – dix minutes en moins l’aurait rendu plus agréable -, et excessivement verbeux, comme si Austin Crane ne faisait qu’une confiance limitée à sa propre capacité, pourtant évidente, à composer de belles mélodies, il dégage une force simple indéniable : cette réflexion parfois complexe sur l’Art, sur la nature et sur les rapports humains… mais surtout finalement sur la maturité sans doute engendrée par le retour d’Austin à sa terre natale, et par, inévitablement, les années qui passent…
Cette musique évoque parfois même une sorte de primitivisme artistique, qui fait écho au travail des grands auteurs compositeurs du folk américain. Mais elle ne se départit pourtant jamais d’une vraie lumière, qui permet à cet album tout en nuances de ne jamais sembler pesant, malgré son goût pour l’introspection.
Eric Debarnot