Après un hiatus de près de 15 ans, le duo écossais Arab Strap est de retour avec As Days Get Dark, un album sans concession où trip-hop et folk exaltent l’affliction.
Ce n’est pas demain la veille qu’Aidan Moffat, prophète barbu chanteur-narrateur, et son complice Malcolm Middleton vont sortir un album débordant de bonheur et d’espoir. Pas vraiment le style de la maison, les deux presque quinquagénaires n’ont visiblement pas le cœur à s’épancher sur la face happy de l’espèce humaine. En l’occurrence, c’est plutôt le côté obscur qui les fascine, tout en maniant l’humour comme une lame de rasoir.
Depuis la sortie de leur dernier disque The Last Romance en 2005, les choses ne se sont pas arrangées mais Arab Strap trouve toujours les meilleurs titres d’albums. Car As Days Get Dark est avant tout une exploration d’états d’âmes boursouflés et rongés, nostalgiques d’une époque où l’insouciance était de mise. À présent, les deux musiciens ont l’impression de payer leur dû en cette période compliquée.
Musicalement, les Ecossais ne changent pas vraiment de recette et ont opté pour un entre-soi rassurant, en faisant appel à l’habituel Paul Savage à la production et en signant sur le label de leurs copains Mogwai.
Après un break de plus de quinze ans, leur musique a gagné en profondeur, le son est plus élaboré et des arrangements inédits font leurs apparitions. Les nuances down-tempo et le flow les rapprochent de Day One, formation précurseur de 1999. Mais ce sont les rares titres gonflés aux hormones rythmiques qui sortent du lot et qui s’avèrent excitants.
Entraînant et menaçant, le superbe Here Comes Comus ! est la pièce maitresse de l’album. Aidan Moffat y chante plus qu’il ne parle, le refrain décolle avec entrain et les instruments se perdent dans une dark-pop à la boite à rythmes indus pour un résultat brillant. The Turning Of Our Bones, en ouverture de l’album voit le chant narratif entrainer violon, guitare et rythmes dans un tourbillon captivant, que partage l’entêtant Kebabylon.
Retour aux sources avec des textes plombés par la voix grave de Moffat, rattrapée par le temps et les excès, sur Another Clockwork Day et Bluebird, des titres minimalistes aux réminiscences folk et remplis de délicatesse. La poésie mène l’écoute dans un profond désenchantement égayé par la finesse des arrangements. Tout comme Sleeper qui pousse aux songes et amène un peu de douceur dans l’ambiance flippée qui caractérise les onze titres de As Days Get Dark.
Le groupe devait confier à la presse que sa reformation ne laissait aucune place à la médiocrité. Tant que les deux musiciens d’Arab Strap privilégient autant l’approche mélodique que les textes, ils n’ont pas de souci à se faire.
Mathieu Marmillot