« Big Head », le personnage culte de la BD indépendante américaine, est de retour. Méfiez-vous des petits, des humiliés ou des frustrés, leur colère sera terrible.
La série associe des personnages de polars ténébreux au monde délirant des cartoons de Tex Avery. Le mystérieux artefact offre à son porteur les extravagances de Droppy, Bugs Bunny, Daffy Duck ou Porky Pig. « Big Head » est rapide, puissant et invulnérable. Délivré de toute inhibition, il multiplie gags, punchlines, jeux de mots et références à la culture yankee, hélas souvent intraduisibles. Seul défaut, le Mask a tôt fait d’imposer sa volonté belliqueuse à son hôte. Pour ce troisième opus, Delirium nous propose des histoires de qualité et de tailles inégales.
La première est la plus intéressante. Un dessinateur vit seul avec sa petite fille. L’enfant est muette depuis la mort de sa mère, tuée par les malversations impunies d’un magnat local. Le père au chômage rêve de vengeance. Un scénariste malicieux lui confie le Mask. Or, l’artefact attire les convoitises d’une foule de tueurs, notamment des néonazis, des ninjas et d’équipes des triades et du FBI. Le résultat est, au sens propre du terme, explosif. Le dessin de Peter Gross se coule dans la folie du personnage. Ses pages sont déstructurées, ses couleurs bariolées et les surprises innombrables. Il parvient à matérialiser la formidable énergie déployée par le Masqué qui, de case en case, bondit, écume, tonne ou s’esclaffe. Ses métamorphoses en capitaine de pirates et en Robin des bois sont particulièrement jubilatoires. Ultime transgression, le Mask passe à la jeune enfant, qui retrouve la parole et s’empresse de détruire l’école où elle a été maltraitée. Gare à la colère des enfants tristes !
La seconde histoire semble écrite sous acide. Le Mask tombe entre les mains d’un officier général américain au psychisme passablement ébranlé. Au fil des pages, cet émule du colonel Kurtz d’Apocalyse Now affronte des super-héros inconnus tirés de l’univers de l’éditeur Dark Horse. Le scénario part dans tous les sens et est à déconseiller aux lecteurs les plus cartésiens. Le trait de Gary Erskine est moderne, il privilégie de curieuses couleurs pastels et s’attarde sur les grimaces de son héros en gros plan.
Les dernières pages sont consacrées à un court hommage des créateurs de la série, John Arcudi et Doug Mahnke, à Stanley Ikpiss, le premier porteur du Mask. Un retour aux sources apaisant.
Stéphane de Boysson