Une plongée dans les abysses imaginaires d’Olive qui se transforme en une véritable quête de soi, aux secrets enfouis et énigmatiques. Équipez-vous pour un voyage aux confins de l’être.
Dans le premier tome de cette série, Véro Cazot nous présentait Olive, une jeune fille de 17 ans en panne d’existence. Celle-ci s’est arrachée à la gravité du monde en s’envolant vers des contrées imaginaires, s’affranchissant des embûches de son quotidien. Passant pour une extraterrestre aux yeux des personnes de son entourage tant elle les maintient à distance, Olive a été bouleversée par des événements extérieurs qui sont venus déranger son petit monde merveilleux et ritualisé.
La boîte noire : ce savoir insu que nous portons en nous
Ce deuxième tome nous amène à suivre la façon dont Olive va tenter de déchiffrer ce qui est venu ainsi la bousculer à l’aube de sa vie d’adulte. Démêler les souvenirs des traumatismes et des secrets de son enfance. A éviter les autres, Olive pensait se préserver de la difficulté à devenir elle-même qui secoue son quotidien d’adolescente. Mais s’isoler ainsi ne la dispense pas de se confronter à ce qui la tourmente. Elle va en effet avoir affaire à plus ardu encore que ses pairs : elle-même. Là où elle pensait avoir inventé un refuge imperméable aux bruits du monde extérieur, où elle pouvait se sentir en sécurité, tout vole en éclat !
Son univers intérieur est parasité par un autre être humain qui semble tout aussi désorienté qu’elle, isolé et perdu quelque part sur Terre alors qu’il aimerait retrouver le chemin des autres. Un parcours presque inverse à celui d’Olive, qui se replie en elle-même jusqu’à disparaître dans sa bulle, se mettant à l’abri à défaut de trouver sa place parmi les humains qui l’entourent. Deux êtres en panne pour (re)trouver le fil de leur vie, deux êtres à la lisière du monde. L’un disparu des radars et l’autre qui fait en sorte de passer inaperçu. Parviendront-ils à décoder les boîtes noires de leur inconscient, de leur trajectoire, à comprendre ce qui les relie, pour traverser cette épreuve les privant du lien avec leurs proches ?
Le bleu de la mère
Les couleurs des illustrations de Lucy Mazel sont en tant que tel des indices permettant au lecteur de surfer d’un monde à l’autre sans se perdre. La vie intérieure rêvée d’Olive est teintée de bleu depuis le début, en écho à quelques détails de l’événement inaugural qui ouvre l’histoire, le bleu d’une boucle d’oreille ronde comme la lune, d’une robe à la forme arrondie par la présence d’un enfant à naître, de la mer, possible allégorie de la mère. Olive nage dans le bleu, le liquide, fréquente des animaux marins et son meilleur ami est un canard géant. Le fil de son existence se tisse peu à peu et des passerelles s’esquissent doucement entre son monde imaginaire et sa vie quotidienne. Notamment grâce à Charlie, qui partage la chambre d’Olive à l’internat du lycée.
Par sa présence bienveillante et sa persévérance, cette jeune fille va peu à peu gagner la confiance d’Olive et devenir une véritable alliée pour l’aider à faire face à ses angoisses et ne plus procéder systématiquement par évitement. Les personnages sont au centre du graphisme, ce qui permet de suivre leur état émotionnel de façon précise, tant par leur langage postural que par l’expression de leurs regards. Même si Olive ne quitte encore que timidement sa bulle, Charlie lui tend la main pour qu’elle puisse faire ses premiers pas dans sa vie. Et l’aide à recomposer les morceaux du puzzle de son histoire qu’elle a toujours eus en elle.
Ce récit tout en subtilité et en délicatesse, ourlé par des illustrations légères et dynamiques, permet d’aborder l’intériorité sensible des personnages sans pesanteur, de naviguer entre réalité et imaginaire avec aisance, tout en abordant des problématiques complexes et parfois douloureuses que traversent bon nombre d’adolescents.
Céline Soblahovsky