Les retours de groupes importants dans nos souvenirs sont souvent sources de déception. Avec les deux écossais d’Arab Strap, Aidan Moffat et Malcolm Middleton, les choses se passent différemment. As Days Get Dark, leur nouvel album (après plus de quinze ans de séparation) est une grande réussite, peut-être un des disques majeurs de 2021. On s’est penché avec eux sur ce retour surprise et gagnant.
BENZINE : En 2006, Arab Strap a décidé de se séparer. Comme vous l’avez dit à l’époque dans une déclaration sur votre site web : « Après dix ans, six albums studio, trois albums live et de toutes les manières possibles, nous avons décidé de clore ce chapitre. Il n’y a pas d’animosité, pas de larmes, nous avons le sentiment d’avoir bouclé la boucle… tout le monde aime les fins heureuses. »… En 2013, Malcolm vous dites : « Je pense qu’avec Arab Strap, c’était le bon vieux temps. Mais nous ne pouvions plus écrire de chansons jusqu’à un certain âge. Donc je ne pense pas que nous reviendrons, ou seulement si c’est pour des concerts.« . Pourtant, en 2016, vous avez reformé le groupe pour quelques concerts. Qu’est-ce qui vous a conduit à devoir sortir un nouvel album ?
Aidan Moffat : Je crois que ce qui a tout redéclenché c’est le plaisir que nous avons ressenti à jouer ensemble durant cette tournée en 2016 où nous n’avions vraiment aucun objectif au départ. Par contre, ce que l’on a vite compris c’est que l’on ne voulait pas seulement jouer nos vieilles chansons, devenir un groupe au patrimoine derrière lui en somme. Bien sûr, pour le public, c’était autre chose, il paye pour nous voir jouer ce qu’il connait mais pour nous en tant que musiciens, cela nous aurait mené vers un profond ennui si on s’était limité à jouer le répertoire d’Arab Strap sans rien lui apporter de nouveau.
Malcolm Middleton : Je suis toujours en accord avec mes propos de 2013. On a continué à composer des choses ensemble même après la séparation, mais ce n’était pas à proprement parler des chansons, on a enregistré des démos pour des musiques de films par exemple mais il manquait quelque chose. Quand on a joué ensemble sur scène en 2016, on a tout de suite compris que l’alchimie refonctionnant entre nous, on s’est dit alors « Et si on essayait de recomposer ensemble ? ». Au début, les premières recherches ont été infructueuses, mais tout a décollé avec The Turning Of Our Bones où l’on a compris que l’on pouvait imposer un nouveau son à Arab Strap, un truc qui n’en avait rien à foutre du passé (Référence à I don’t give a fuck about the past, phrase qui ouvre la chanson The Turning Of Our Bones). (Rires des deux)
« tout a commencé un dimanche après-midi pluvieux où nous avons enregistré des chansons vaguement folk sur un vieux magnéto cassette tout pourri. »
Si vous le pouviez, que voudriez-vous dire à l’Arab Strap des débuts, et quelles différences voyez-vous entre cet Arab Strap d’avant et celui d’aujourd’hui ?
Aidan Moffat : Je leur conseillerais de prendre du recul et de voir comment les choses prennent forme. Très franchement, je n’ai absolument aucun regret pour quoique ce soit que nous avons fait par le passé. On n’aurait pas pu à l’époque faire le disque que nous venons de sortir car on n’avait pas la technologie, l’expérience que nous avons acquise, on était jeune et un peu insouciant. Je suis parfaitement conscient de la chance que j’ai d’avoir une carrière de 25 années surtout quand tu sais que pour nous, tout a commencé un dimanche après-midi pluvieux où nous avons enregistré des chansons vaguement folk sur un vieux magnéto cassette tout pourri.
Malcolm Middleton : Si je m’attarde plus sur la première partie de votre question, j’aurai envie de conseiller aux gamins que nous étions au début d’Arab Strap de ne pas laisser les louanges faites autour de nos disques trop toucher nos égos, d’au contraire être de plus en plus ambitieux dans le propos et dans la musique que nous voulons présenter au public. En même temps, le présent ne peut changer le passé et ce qui fait le présent c’est ce que nous avons vécu dans le passé. Chaque disque fait ensemble ou séparément nous a appris sur nous et a amené à As Days Get Dark. Le présent et le passé sont indissociablement liés, en plus, je ne suis pas sûr que les Aidan et Malcolm d’il y a 25 ans nous auraient écouté.
« Rien n’était vraiment planifié, les paroles se sont construites d’accident en accident. »
Dans le communiqué de presse accompagnant l’album, vous dites que l’un des thèmes de l’album est « vers quoi les gens se tournent en cas de besoin. Et comment ils peuvent se cacher dans la nuit« . Peux-tu expliquer ?
Aidan Moffat : On n’avait aucun concept en commençant à travailler sur le disque, c’est petit à petit, à mesure que nous composions les titres, que nous nous sommes rendus compte qu’il y avait deux thématiques qui émergeaient. Quand j’ai commencé à écrire, ce qui ressortait c’était des paroles une fois encore autour de la notion de désespoir et d’addiction, je pense en particulier à une chanson que l’on n’a pas conservé pour l’album, une chanson autour de l’addiction au jeu. Cela m’est venu naturellement, j’ai voulu développer cette voie mais je me suis rendu compte que cela ne menait à rien. J’avais envie de sortir de ma « zone de confort », je suis reparti de ces ébauches de textes que j’ai menées ailleurs, je crois… Rien n’était vraiment planifié, les paroles se sont construites d’accident en accident.
Malcolm Middleton : Cela faisait bien longtemps que l’on rêvait de faire un disque de Surf Music, un truc léger quoi ! Et ben le voilà (Rires des deux)
Quand on écoute As Days Get Dark, votre dernier disque, on est surpris par les changements qu’on trouve dans votre musique, votre voix Aidan a changé, le son est aussi plus électronique mais en même temps c’est comme si on retrouvait deux vieux amis qui ont bien vieilli. Qu’en pensez-vous ?
Malcolm Middleton : Oui, je crois que c’est vrai, le temps n’a pas de prise sur nous (Rires). Pour redevenir sérieux, je pense que l’on apporte chacun équitablement ce que l’on a appris l’un et l’autre depuis que le groupe s’est séparé. Moi par exemple, mon jeu de guitare a beaucoup évolué, je me suis amélioré en particulier au niveau technique dans tout ce qui touche aux loops et aux samples, des trucs de musicien quoi !
Le saxophone en particulier qui joue un rôle important sur As Days Get Dark. On a essayé de prendre le meilleur de ce qui faisait le Arab Strap ancien mais aussi de nos carrières solos. Et puis, il y a toujours eu deux Arab Strap, celui du studio qui se limitait souvent à Aidan et moi et le groupe de scène. On a essayé d’amener la dynamique du groupe de scène au niveau de l’enregistrement. On a essayé de faire un disque dont on puisse être fier, un disque sophistiqué et de bon goût.
Aidan Moffat : On ne voulait pas faire un disque similaire aux plus anciens, et puis de toute façon nos anciens disques étaient déjà très différents les uns des autres, pas forcément en réaction les uns contre les autres mais juste différents. Monday At The Hug And Pint (2003) est un peu dingue par exemple par rapport au reste de notre discographie. Au moment de commencer à travailler sur ce qui devait devenir As Days Get Dark, il nous semblait primordial de nous appuyer sur notre expérience acquise ces 15 dernières années pour l’intégrer dans nos nouvelles chansons. Je suis beaucoup plus confiant dans mon chant aujourd’hui que je l’étais il y a 15 ans. Je m’en suis rendu compte en particulier en rechantant des chansons de notre répertoire en 2016, j’avais l’impression de leur apporter autre chose, de proposer quelque chose de bien meilleur qu’il y a 15 ans. C’était excitant et stimulant d’apporter une direction inédite à nos nouvelles chansons.
En vous lisant dans différentes interviews sur la création de ce nouveau disque, on a le sentiment que pour réactiver Arab Strap, Vous avez dû changer absolument le processus de création. D’où cette phrase qui ouvre le disque sur The Turning Of Our Bones, « I don’t give a fuck about the past« . Laisser le passé derrière soi et repartir à zéro ?
Aidan Moffat : Oui, c’est juste. Je crois qu’en réactivant Arab Strap, nous avions conscience d’être un peu piégés dans un héritage Rock 90’s comme ces Festivals qui ne proposent que de vieilles gloires des années 90, ces groupes dont on se souvient à peine. On ne voulait absolument pas se laisser piéger là-dedans. Si l’on réactivait Arab Strap, on voulait que ce soit une avancée, pas du surplace ou de s’endormir sur de l’acquis.
Malcolm Middleton : On n’a rien contre ces groupes des années 90 mais on ne veut pas que l’on cloisonne Arab Strap à ce que nous avons fait ensemble par le passé. Je trouve que c’est tout aussi important de respecter ce que nous avons fait avant que de vouloir créer quelque chose de neuf. Je voulais que ce soit évident que nous pouvions de nouveau être un groupe qui compose des chansons décentes.
Etes-vous surpris par l’accueil fait à As Days Get Dark ?
Aidan Moffat : Oui, les chroniques faites sur le disque m’ont beaucoup surprises, la bienveillance qui entoure notre retour, l’enthousiasme aussi m’a étonné. Beaucoup de gens disent que c’est peut-être notre meilleur album, c’est génial que les gens le perçoivent ainsi. Que l’on puisse dire cela de notre musique après 25 ans me touche beaucoup. Je m’attendais à ce que notre retour se passe bien mais pas autant que cela car c’est vrai que peu de reformations de groupes amènent de grands disques, c’était ma crainte. C’est très facile de foirer le truc en se reposant sur ses acquis et ses certitudes, je crois que l’on a réussi à éviter l’écueil aussi parce que l’un et l’autre, nous avons composé d’autres disques.
Malcolm Middleton : Je crois bien que notre pire ennemi au moment de la composition du disque aurait été la nostalgie. Car à trop s’appuyer sur la nostalgie, on n’ose pas amener sa musique vers autre chose, on reste dans une tonalité qui convient au public des débuts. Le problème c’est que de faire du neuf avec de l’acquis n’est jamais bon, on se répète ou alors il manque quelque chose qui empêche l’excitation. Je suis conscient que l’on a fait des disques forts avec Arab Strap mais j’avais peur que les fans hardcore du groupe attendent un son Lo-Fi de notre part comme sur les premiers disques, j’avais peur de faire un disque trop polissé, trop arrangé. Mais les doutes se sont envolés quand j’ai compris que l’on prenait une toute autre direction.
Aidan Moffat : En plus avec la technologie que l’on peut avoir chez soi aujourd’hui, il est difficile de faire un disque Lo-Fi, cela devient presqu’un effort pour le faire (Rires). Ce qui est drôle finalement, c’est que nos fans hardcore veulent entendre ce qu’ils viennent chercher dans nos disques, y compris dans As Days Get Dark, en particulier notre batterie Lo-Fi comme à nos débuts. J’ai lu dans une chronique que ce qui rapprochait As Days Get Dark des autres disques c’est la production très Lo-Fi de la batterie mais ce n’est pas vrai, nous avons au contraire beaucoup travaillé les arrangements de batterie.
« Ca fait tellement de bien de remettre un peu de merde dans sa vie, ça donne le sentiment d’être vivant ! »
Souvent les artistes disent qu’il y a eu un déclic pour un disque, une chanson parfois. Pour As Days Turns Black, quelle a été la chanson clé ?
Aidan Moffat : C’est The Turning Of Our Bones à coup sûr, dès la première démo. Les deux chansons qui ouvrent le disque, The Turning Of Our Bones et Another Clockwork Day sont les premières que nous avons enregistrées en démos. The Turning Of Our Bones, on l’a tout de suite perçue comme une sacrée avancée, quelque chose de vraiment nouveau dans notre son et notre manière d’appréhender notre musique.
Malcolm Middleton : Cela nous a permis aussi de nous rassurer, de voir que nous pouvions encore composer ensemble et de proposer quelque chose qui nous excitait tous les deux.
Aidan Moffat : On y est allés sans pression, personne ne savait que nous étions en train de composer un nouvel album. Même Rock Action, notre label l’a su sur le tard.
Si je vous dis Famadihana, qu’évoque-t-elle pour vous et Arab Strap ?
Aidan Moffat : C’est bien sûr une métaphore pour notre groupe mais cela peut l’être tout autant pour une romance, pour une relation au long cours. Je me suis intéressé au Famadihana qui inspire la chanson The Turning Of Our Bones en lisant un livre sur les rites funéraires. C’est une tradition malgache, le retournement des corps, une coutume que l’on retrouve un peu partout dans le monde qui consiste à déterrer les os d’un défunt, à les envelopper dans des tissus précieux et à les ré-enterrer après les avoir promener en dansant autour de la tombe. Dès le début, j’avais en tête cette idée de résurrection et je trouvais que ce concept de Famadihana me permettait d’y incorporer d’autres sens.
Si je vous dis que ce qui a le plus changé chez Arab Strap, ce sont vos textes qui étaient plus autobiographiques dans le passé et plus tournés vers le monde extérieur aujourd’hui, êtes-vous d’accord ?
Aidan Moffat : Bien sûr que je suis d’accord. Bon Après comme tout le monde, crise du Covid-19 oblige, je n’ai pas une vie très excitante ces derniers temps d’où ce besoin de me colleter de nouveau aux problèmes dans les paroles des nouvelles chansons d’Arab Strap. Cela fait tellement de bien de remettre un peu de merde dans sa vie, cela donne le sentiment d’être vivant. (Rires des deux).
Il y a toujours eu une volonté de storytelling dans l’écriture d’Arab Strap que l’on retrouve à nouveau sur As Days Get Dark, un storytelling forcément marqué par votre propre culture, celle de l’Écosse. Qu’est-ce qu’il y a de si écossais dans Arab Strap selon vous ?
Malcolm Middleton : On pourrait difficilement nier que nous sommes écossais, cela n’a jamais sonné dans notre musique. C’est souvent la honte d’être écossais mais c’est aussi une chance.
Aidan Moffat : Je crois que ce qui nous rend si écossais, Malcolm et moi c’est ce sens de l’humour très sombre. Par exemple dans nos chansons les plus anciennes, je passais mon temps à me déprécier et à me faire passer pour un trou du cul, c’est un truc écossais de passer son temps à se déprécier et à se considérer comme une sous-merde. Tu dois savoir rire de toi-même bien plus que des autres. Concernant le Storytelling, l’idée de vouloir raconter une histoire, on le retrouve dans toutes les cultures bien sûr. L’Ecosse a une longue tradition de légendes et de culture folk. L’idée de raconter une histoire, c’est quelque chose que l’Ecosse encourage presque malgré elle, par ses paysages, leur puissance, par son histoire troublée.
Le Folk a souvent été mentionnée dans le passé lorsqu’on parle de la musique d’Arab Strap. Sur ce disque, vous ouvrez votre musique à d’autres sons. Percevez-vous cette notion de folk comme un cliché autour d’Arab Strap et d’où viennent ces sons plus électroniques sur As Days Get Dark ?
Aidan Moffat : Les sons électroniques, cela nous est venu quand nous préparions les concerts de 2016 mais aussi quand nous préparions la compilation que nous avons sorti pour Chemikal Underground. Etrangement, on a choisi dans notre répertoire les chansons les plus électroniques. Cela nous a donné envie de tenter plusieurs pistes dans la composition de As Days Get Dark, aussi bien électroniques que Folk, voire disco. Ces jeux entre les loops de guitare et les structures électroniques, on a vite trouvé ça exaltant pour la poursuite de la composition du disque. On n’en a jamais parlé, on n’a jamais rien prévu, c’était un processus naturel.
Malcolm Middleton : Je ne le trouve pas si électronique que cela ce disque, on y a incorporé beaucoup d’éléments plus « organiques », des djembés et des instruments rythmiques plus traditionnels.
« And the daily papers found their plight and presence most concerning
Their headlines screamed enough’s enough, we’re overcome with vermin
These fucks that skulk around our streets
The locals live in fear
These scruffy scrounging parasites
They don’t belong ’round here »Extrait de Fable Of The Urban Fox
Peut-on s’attarder sur Fable Of The Urban Fox ? Il y a une métaphore évidente autour des migrants et peut-être aussi votre point de vue sur le Brexit ?
Aidan Moffat : Ce serait un raccourci de dire que j’aborde spécifiquement le Brexit dans Fable Of The Urban Fox mais peut-être plus la manière dont les médias et une certaine frange du monde politique contrôlent les pensées de la population britannique, leurs sentiments sur les migrants et les réfugiés. C’est quelque chose qui me met très mal à l’aise, c’est écœurant de voir comment les britanniques perçoivent les migrants, l’attitude envers ces gens est absolument inhumaine. Ce n’est pas spécifiquement sur le Brexit mais plus une des conséquences du Brexit. Une tranche de la population vote pour des démagogues car ils ne veulent pas voir « un déferlement de migrants » provenant du Moyen-Orient. C’est absolument aberrant car ces réfugiés cherchent d’abord à sauver leur vie, avoir une existence plus paisible et malheureusement pour quelques-uns d’entre eux, on retrouve leurs cadavres noyés sur les côtes anglaises.
Pour ce disque, vous avez retravaillé avec le producteur Paul Savage. Qu’a-t-il apporté à As Day Get Dark ?
Malcolm Middleton : Il y avait quelque chose d’un peu romantique à travailler avec Paul sur ce disque car c’est lui qui a produit notre tout premier album, The Week Never Starts Round Here (1996) et sur des singles également. Pour apporter de la fraîcheur au son, on a fait occasionnellement appel à d’autres musiciens que ceux avec lesquels on joue sur scène mais la production du disque s’est principalement articulée autour de nous trois. Si je devais définir la patte de producteur de Paul, je dirais qu’il a vraiment ce talent du mix, il sait capter le son et l’amener où nous voulions qu’il aille. Il a su nous écouter tous les deux et surtout il a su être un bon conseil et tirer de nous ce qu’il y avait de mieux.
Aidan Moffat : C’était excitant d’enregistrer le disque de notre retour avec la personne avec qui nous avions commencé l’aventure Arab Strap. Et puis plus prosaïquement, même si mes textes sont effectivement plus ouverts vers l’extérieur, j’y mets beaucoup d’éléments qui relèvent de ma plus profonde intimité. J’avais besoin pour la première fois où je les chantais devant quelqu’un d’autre d’avoir quelqu’un dont je me sens proche, cela me semblait nécessaire et je crois que l’on a bien fait.
Concernant la pochette, pouvez-vous nous expliquer ce choix ?
Aidan Moffat : C’est un tableau du peintre brésilien Pedro Americo qui date de 1885, il porte le nom de The Night Escorted by the Geniuses of Love and Study (La nuit escortée par les génies de l’amour et de l’étude). Americo était un élève du peintre français Ingres, Il a par la suite été député de l’assemblée nationale brésilienne à la proclamation de la République du Brésil en 1889. Avec Malcolm, nous avons interprété ce tableau comme une visualisation de la nuit comme une séductrice. J’aimais ce que dégage ce tableau mais je trouvais qu’il manquait quelque chose par rapport à ce que nous abordons dans As Days Get Dark, j’étais en train de cliquer sur mon mac et le tableau s’est réduit et j’ai deviné derrière cette image d’autres images, cela m’a donné l’idée de mélanger tout cela, de mêler des photos comme des souvenirs, cette femme que l’on devine et imagine nue, ces fenêtres avec la lumière allumée qui laisse supposer de la vie et des histoires cachées derrière mais aussi des fenêtres sur un écran d’ordinateur. C’est vrai qu’elle est un peu étrange cette pochette, je vous l’accorde.
Matthieu Malon avec qui vous avez collaboré avec Laudanum le temps de System On (2001), Aidan souhaiterait vous interroger sur un point. C’est vrai que la crise sanitaire liée au Covid-19 a bouleversé totalement nos vies et en particulier d’un point de vue culturel. Le temps où l’on pourra de nouveau assister à des concerts nous semble encore bien éloigné. Matthieu se demande comment vous allez présenter ce nouveau disque sur scène. Allez-vous le présenter dans une version brute, Piano-Guitare-Voix ou une version plus en groupe ?
Aidan Moffat : Là, on est encore dans l’attente de pouvoir présenter ce disque sur scène. On a plusieurs envies. Tout récemment, on a fait une session Radio juste tous les deux, c’était chouette mais c’est un album plutôt arrangé et je crains qu’une version seulement nous deux ne permette pas de reproduire ce qui fait l’intérêt d’As Days Get Dark. Et puis on a envie de retrouver les personnes qui nous accompagnent sur scène. On savait en enregistrant le disque que l’on rejouerait ces morceaux d’une manière toute différente avec le groupe. Je croise les doigts pour que la situation se calme enfin et que l’on puisse revenir à des choses plus futiles comme d’aller à un concert.
Quand vous regardez le répertoire d’Arab Strap, y a-t-il des chansons dont vous êtes particulièrement fiers, d’autres moins ?
Aidan Moffat : J’ai une affection particulière pour The Shy Retirer, Rocket Take Your Turn reste peut-être ma favorite de notre répertoire, Where We’ve Left Our Love sur The Last Romance et une chanson que nous n’avons pas retenue pour As Days Get Dark, ce qui je crois est une grosse erreur. Il n’y a aucune chanson dont j’ai vraiment honte, je n’ai aucun regret, certaines chansons sont plus puissantes que d’autres, certaines sont plus anecdotiques mais elles font toutes partie de notre histoire.
Malcolm Middleton : Comme Aidan, j’assume toutes les chansons que nous avons sorties car elles font partie d’un processus de création et on se doit de rester honnête face à ce parcours. Scenery sur The Red Thread (2001) me ramène à de très bons souvenirs lors de l’enregistrement, Cherubs sur Elephant Shoe (1999), Dream Sequence sur The Last Romance (2005). Plus que la qualité des chansons, c’est lié à des souvenirs très personnels avec Aidan…