Sur Netflix comme à Hollywood, un thriller de série B comme Fatale reste un thriller de série B, qui ne nous intéressera que par ce qu’il dit malgré tout de nous et de ce qui change dans la société.
Dans la famille en constante expansion de « séries B Netflix », nous demandons la carte « Thriller avec psychopathe ». Pas de problème, Netflix peut sortir de son jeu Fatale, parcours bien balisé mêlant le moralisme tellement états-unien de Fatal Attraction (« tromper sa femme / son mari, c’est mal, et à la fin, on est bien puni ! ») et manipulation (un peu trop) complexe (mais quand même méchamment prévisible) comme Hollywood nous en servait par pleins cartons avant que la pandémie ne ferme le robinet de « films normaux » (on veut dire pas uniquement diffusés sur les plateformes de streaming). Résultat : zéro surprise… Mais une soirée pas si désagréable que ça, quand on n’espère pas mieux qu’une resucée « années 20 » des thrillers planplans des années 80-90 avec une Kim Basinger en perte de vitesse ou un Richard Gere en fin de course…
Comme on n’a pas trop besoin de faire fonctionner ses méninges devant Fatale, on peut prendre un petit plaisir à décoder ce que Deon Taylor, son scénariste et leur équipe très occupée de décorateurs nous servent comme soupe ici, tellement typique de nos problématiques contemporaines. D’abord, Fatale est bien clair là-dessus, les Afro-américains sont passés au premier plan, ils ont ravi la position de pouvoir aux sales blancs esclavagistes, ce qui est vraiment réjouissant : le vrai business d’aujourd’hui, c’est le sport, c’est là qu’est le blé et le pouvoir, et sur les auteurs de Mulholland Drive, le bling bling a changé de couleur (… mais reste fondamentalement le même…). Ensuite, ce sont les femmes qui sont les vrais maîtres du jeu : plus intelligentes, plus manipulatrices, avec moins de scrupules, cognant et tirant au flingue mieux que les hommes, les femmes sont l’avenir du thriller, baby. Et, très sincèrement, rien que de réunir dans un seul film ces deux constatations, c’est un vrai bon point au crédit de Fatale… même si ça risque de désorienter le (télé)spectateur européen qui va, on en fait le pari, râler contre ce « politiquement correct » que nos soi-disant élites européennes – une bande de vieux mâles blancs dépassés et arrogants – font tout pour enterrer afin de conserver quelques années encore leur pouvoir.
Bon, tout ça serait encore mieux si Fatale était un meilleur film : sur un scénario facile mais correct, il eut encore fallu que l’interprétation tienne la route, ce qui n’est pas le cas ici. Hilary Swank, qui semble avoir oublié son talent depuis un bon moment, peine à injecter la démesure et la folie nécessaires à la crédibilité de son personnage ; quant à Michael Ealy, il est d’une fadeur affligeante, et démontre par l’absurde qu’on peut parfaitement être « black » et manquer désespérément de « soul ». Quant au final du film, il n’y a rien de bien nouveau sous les sunlights californiens : c’est toujours à coups de flingue que les affaires se règlent, les protagonistes ayant décidé de laisser leur cerveau au vestiaire.
Morale : entre Netflix et Hollywood, les différences sont bien moindres que ce que l’on pouvait espérer.
Eric Debarnot