S’il est des artistes qui fascinent, explorent, et nous embarquent au fil de leurs productions, Piers Faccini appartient définitivement à cette caste. Artiste complet, l’auteur compositeur interprète poursuit son bonhomme de chemin en solo depuis le début des années 2000, avec son 8e album, Shapes of the Fall.
Né d’un père italien et d’une mère anglaise, Piers Faccini a d’abord officié au sein de la formation Charley Marlowe, aux côtés de Francesca Beard, pour finalement faire cavalier seul. Son premier album Leave No Trace paraît en 2004 et possède déjà ce ton à la fois intime et délicat qui jalonnera ses futures productions.
Dix ans pile après la parution de son album My Wilderness, à l’époque chez Tôt ou Tard, sur lequel figurait Tribe, titre largement diffusé sur Radio Nova, Piers signe son retour sur le prestigieux label No Format, avec ce nouvel opus Shapes Of The Fall, le genre d’album « Travelling Without Moving » qui permet de parcourir des kilomètres, confortablement installé dans son fauteuil, le casque vissé sur les oreilles.
On pense forcément à Nick Drake ou encore Perry Blake en écoutant sa musique, mais il serait injustement réducteur de la cantonner à de simples comparaisons car l’artiste s’est entouré de musiciens d’horizons variés au fil du temps ; Vincent Ségal, Ballaké Sissoko, Seb Martel, Clément Petie, Dom La Nena…
Nourrissant sa musique de l’héritage anglo-américain, des traditions de la Méditerranée, du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest, ainsi que de la musique ancienne ou baroque, le songwriter puise sans relâche dans ces influences afin de tisser sa toile sonore. Sur ce nouveau disque, le titre Dunya est l’exemple qui illustre parfaitement ce propos. Il est le point de convergence entre les domaines américain, européen, méditerranéen et nord-africain que Piers Faccini a appris à relier. Sa voix à la fois enveloppante et envoûtante, et l’arrangement somptueux de cordes faisant le reste.
Les contrées visitées sur ce nouvel album sont vastes : des méditations folk sur Together Forever Everywhere, The Real Way Out et The Longest Night, au blues du désert traversé sur Lay Low to Lie ou encore le dépouillement désarmant du titre d’ouverture They Will Gather no Seed évoquant sans pathos l’épuisement des ressources de la planète.
Le choix du titre de l’album est évocateur, Shapes of the Fall surimpose l’image de la chute et celle de l’automne : voici donc un recueil de chansons qui se penche sur notre monde en cours d’effondrement, observé par un homme qui vient d’entrer dans sa cinquantième année, c’est une vision à la fois crépusculaire du monde mais également empreinte d’une quiétude rassurante. La voix de l’artiste, véritable instrument à part entière, au timbre chaud et envoutant vient euphémiser et adoucir des propos plutôt pessimistes. Le but ici n’est pas d’alarmer mais de constater puis de relater, en éveillant les consciences.
Le titre all Aboard, sur lequel Piers Faccini a invité Ben Harper et Piers Faccini est d’ailleurs un appel à l’action collective face à l’accélération du dérèglement climatique et de l’effondrement du monde naturel. Le constat est simple, on est tous sur le même bateau, il est temps de réagir…
Shapes of The Fall constitue donc à la fois un album miroir de l’époque qu’il raconte et s’impose comme un véritable témoignage de son temps, de sorte que le Monde vu à travers le prisme de son kaléidoscope serait presque supportable.
David Counil