Excellant dans l’art d’allier réalité historique et incises fantastiques, Étienne Le Roux et Vincent Froissard nous embarquent sur la route de la soie avec Le Livre des merveilles.
Un jeune vagabond lie son sort à un étrange voyageur. Contre un repas, il lui propose de tirer sa petite carriole. Vêtu et coiffé comme un mandarin de haut rang, le vieillard se révèle être le célèbre Marco Polo. Pour son ultime voyage, il escompte rejoindre le port de Rimini. Au fil des kilomètres, il lui livre des bribes de la grande aventure de sa vie, ce séjour de 24 ans en Chine.
Pour leur troisième collaboration – après La Mille et unième Nuit et Le Dernier Voyage d’Alexandre de Humboldt – Étienne Le Roux et Vincent Froissard nous transportent de l’Italie du XIVe siècle à la Chine impériale, par la route de la soie.
Ne se contentant pas de résumer le récit de Marco Polo, Étienne Le Roux nous propose une variation originale. Atteint par les affres du grand âge, un Polo confus peine à se raconter. N’a-t-il pas seulement rêvé ces souvenirs ? C’est pour retrouver sa mémoire, qu’il a repris la route. Au texte original, précis et réaliste, Le Roux ajoute de bienvenus éléments oniriques et fantastiques, plus proches de l’œuvre de Jean de Mandeville (dragons, monstres des neiges ou des profondeurs), le contemporain de Polo, voire des wu xia pian actuels (un surprenant empereur maître en arts martiaux).
Le mystérieux mélange d’enluminures et d’estampe de la couverture est magnifique. Le dessin de Vincent Froissard associe des personnages légèrement caricaturés à de somptueux décors aux fonds estampés. Peu d’actions, mais de purs moments de contemplation. Originale, sa palette est sombre et privilégie le terre de Sienne pour les fabuleuses montagnes et le terrifiant désert et le vert émeraude pour la nature luxuriante et les jeux de lumière sur la mer… Tout au plus, abuse-t-il des ombres, des flous et du brouillard. Cette technique, empreinte de poésie, est néanmoins au service de l’intrigue.
Les rêves de Polo sont plus beaux que notre réalité. Qui ne quitterait pas cette existence confinée pour embarquer sur les jonques de l’Empereur en quête d’une montagne ou d’un détroit à franchir, d’un traitre à châtier, voire, pour les plus audacieux, d’une princesse à sauver ?
Stéphane de Boysson