Décomplexée, La Femme nous livre avec Paradigme un troisième album foutraque et jouissif, offrant à la scène musicale française des couleurs écarlates, mais qui pose aussi ses limites.
Voyager dans le temps sans quitter le dancefloor de son salon ? Facile. Le nouvel album de La Femme, malicieusement intitulé Paradigme, s’y prête parfaitement. Son écoute vous pousse à découvrir de nouvelles galaxies sonores tout en vous garantissant du surplace.
Le collectif s’articule toujours autour des deux compositeurs Sacha Got et Marlon Magnée, qui depuis leur excellent précédent album Mystère, sorti il y a cinq années déjà, n’ont cessé de tourner et de se poser aux USA et en Espagne. Du coup, La Femme s’en est inspiré, et même si la trame originelle et originale du groupe est respectée – électro jerky groove yéyé weed -, les quinze titres se démarquent des précédents disques par des orchestrations loufoques et des chants polyglottes.
Question style, la pop synthétique 80’s est toujours le fil conducteur du groupe. L’irrésistible Foutre Le Bordel et son rythme quasi synthé-punk est un hymne au laisser-aller et à la fête, même si les deux compères avouent que le confinement a préservé leur santé, à force de ne plus sortir. Pour compenser, Divine Créature pourrait être un hommage au Palace – ils y ont tournés leurs trois clips – et à sa période disco-décadente. La voix narrative masculine y hante les basses et rythmes binaires sous les boules à facettes.
De son voyage, La Femme ramène le divin Cool Colorado en mode guitare weirdos qui fait référence « au cannabis qui est légal dans cet État, quand on y était, on fumait dans la rue sans stress, c’était super cool » selon Marlon. Ce titre génial partage la feuille Rizla + avec la version de Bonnie And Clyde par MC Solaar.
D’autres titres comme Pasadena ou Nouvelle-Orléans agissent comme des cartes postales qui dégainent en français dans le texte… tout comme Le Sang De Mon Prochain qui excelle dans un minimalisme paré de synthés ondulaires et d’un groove quasi jungle. Lorsque le groupe lâche les cuivres charleston sur le single Paradigme, il renoue avec son caractère frondeur et atypique mais se perd un peu sur des titres comme Disconnexion, ersatz au banjo fou de leur tube Sur La Planche, ou le galopant Lâcher De Chevaux, un instrumental déroutant.
On ne leur en tiendra pas rigueur, heureux que ce groupe existe et dote la scène musicale française de couleurs écarlates.
Mathieu Marmillot