Hybride racoleur entre la telenovela mexicaine traditionnelle et le polar scandinave, Qui a Tué Sara ? a toutes les raisons de déplaire, mais s’avère pourtant étrangement addictive. Mais pourquoi donc ?
Qui a tué Sara ? rencontre un joli succès public en France en ce moment, au point de nous donner forcément envie d’aller voir ce qu’il retourne… malgré nos indéniables préjugés, dont nous avons honte, vis-à-vis des telenovelas mexicaines, qui atteignent régulièrement les sommets du kitsch, voire du mauvais goût en termes de déballages familiaux et d’excès de pathos. Le positionnement clair (le titre d’abord) de la série de José Ignacio Valenzuela comme « whodunnit » était pourtant alléchant, et il faut d’ailleurs admettre que les premiers épisodes confirment que, oui, on a bien affaire à une énigme policière captivante. L’histoire est efficace : Alex a accepté d’être accusé de l’homicide involontaire de sa sœur, décédée d’un accident de parachute ascensionnel, pour préserver des ennuis la riche et puissante famille qui l’a accueilli en son sein ; il s’agit malheureusement d’un piège, et Alex se retrouve condamné à 30 ans de prison ! Sorti au bout de 18 ans, il va essayer de comprendre ce qui s’est exactement passé en cette funeste journée d’été, qui est responsable de la mort de Sara, et, surtout, de se venger de l’ignoble César, le patriarche de la famille Lazcano…
Valenzuela et son équipe se sont visiblement inspirés pour leur thriller des formules du polar scandinave, puisque, à la manière de The Killing ou de Bron, chaque épisode va être l’occasion de soupçonner tour à tour chaque membre de la famille, en dévoilant la relation de celui-ci / celle-ci avec la fameuse Sara : ce procédé, assez mécanique, serait fatigant si le principe de Qui a tué Sara ? n’était pas de nous faire découvrir à chaque étape de « l’enquête » un nouveau degré d’abjection chez César et ses hommes de main, et… nous voilà de retour sur le territoire bien balisé de la telenovela, de nouveaux conflits et de nouvelles perversions au sein de la famille. Le sentiment d’outrance, et donc d’irréalité, est souvent risible, et ce d’autant que, avec un mauvais goût qui rappelle le pire des années 90, la série se met à accumuler des scènes de sexe filmées avec une artificialité « glamour » insupportable. Si l’on ajoute que le scénario prend régulièrement de grandes libertés avec la vraisemblance – il semble que la police n’existe tout simplement pas au Mexique (c’est peut-être vrai qu’elle ne se même pas des affaires des riches et puissants, après tout ?), et surtout il est peu vraisemblable qu’un « tueur » comme César ne réplique quasiment pas aux attaques d’un ennemi qu’il connaît bien -, on peut se demander pourquoi perdre un temps précieux devant Qui a tué Sara ?
Eh bien, c’est sans doute que la « magie » racoleuse de la série agit sur nous : il suffit de quelques interprètes bien choisis – l’Espagnol Ginés García Millán, dans le rôle de César, est une réjouissante ordure, que l’on adore haïr à chacune de ses spectaculaires apparitions -, et d’une accélération bien venue de l’intrigue dans la dernière partie de la saison, débouchant sur un « re-battage » des cartes amusant dans le dernier épisode, pour qu’on ait envie de poursuivre… On remarquera aussi, ce qui permet à Qui a Tué Sara ? de marquer des points, que le scénario milite ouvertement pour la tolérance envers l’homosexualité et pour l’abandon des préjugés liés à la religion catholique : on imagine que ce genre de message n’est pas anodin dans la société mexicaine, qui reste encore traditionnelle dans certaines couches de la population.
Reste une question, essentielle : saurons-nous enfin qui a tué Sara à la fin de la seconde saison ?
Eric Debarnot