Auteur brésilien de comic books à la réputation croissante, le surdoué Danilo Beyruth modernise à son tour le mythe du vampire en le transposant à São Paulo : le résultat, Love Kills, est bluffant graphiquement. Mais est-ce suffisant ?
D’un côté, on a l’inusable mythe du vampire, toujours à la mode, voire plus, ces dernières années, depuis que les productions pour adolescents s’en sont emparé : le sang dont on a une envie dévorante, le sexe devenu morsure, l’immortalité, bref du nanan pour tous ceux qui sont déjà fatigués de la vie désincarnée que l’on nous markette depuis quelques décennies (heureusement, une bonne pandémie va nous aider à trouver d’autres inquiétudes globales…). D’un autre, l’héritage incontournable du Comic Book US dans ce qu’il a de plus basique : apologie ininterrompue de la violence comme seul mode d’échange avec nos semblables, célébration du surhomme nietzschéen, et… prépondérance de l’action sur la pensée. La rencontre entre ces deux continents a déjà eu lieu maintes fois, provoquant des frictions inévitables, parfois fécondes, d’autres fois peu mémorables.
Danilo Beyruth, star brésilienne du Comic Book, adoubé par les Etats-Uniens, n’est pas très connu chez nous malgré quelques récompenses internationales : son graphisme, s’il ne se démarque pas fondamentalement des canons du genre, a un dynamisme et une élégance réellement inhabituelles. Ses choix narratifs dans ce Love Kills, transposition à São Paulo d’une lutte ultra-violente entre vampires monstrueux, sont pour le moins culottés : Beyruth mise tout sur la puissance évocatrice de ces images, quasi toutes entières dédiées à la célébration du mouvement, et réduit à leur plus simple expression les dialogues entre ses personnages. Le résultat est graphiquement superbe, parfois même formidablement évocateur : dans une atmosphère urbaine et nocturne permanente, Love Kills célèbre une haine noire et une violence extrême qui modernisent indiscutablement l’image du vampire.
Le problème de Love Kills est que tout le monde n’y trouvera pas forcément son compte : le scénario, excessivement rudimentaire, de Beyruth soulève des questions aux quelles il ne sera pas répondu (Quel est la nature du lien entre Helena la vampire et Marcus l’humain ? Quel est le rapport entre Helena et Leander, monstrueuse créature qui traque les vampires ?). Pire sans doute, les visibles ambitions de Beyruth d’apporter une couleur émotionnelle au conflit ultra-violent entre ses protagonistes ne fonctionne pas vraiment. Bref, s’il est beaucoup question de tueries dans Love Kills, pour l’amour, on repassera…
Love Kills satisfera sans aucun doute les nombreux amateurs de sensations fortes et de pages spectaculaires : les autres auront normalement été suffisamment intrigués par le travail de Danilo Beyruth pour aller désormais à la découverte de l’œuvre de cet artiste clairement talentueux.
Eric Debarnot