Comment petit Ludwig devient grand Beethoven ? D’un trait acerbe et coloré, Mikaël Ross démolit le mythe de l’enfant prodige.
Ludwig est le fils aîné du ténor attaché à la cour du prince-électeur de Cologne, un musicien raté, alcoolique et criblé de dettes. À sept ans, Ludwig joue bien au piano, trop bien même. Autoritaire et brutal, son père tente de tirer profit de son phénomène de fils en le proposant comme attraction de salon. Hélas, non seulement le fiston est noué par le trac, mais il insiste pour jouer sa propre musique. Il y a tant de notes qui se pressent en lui.
L’exercice est difficile, comment donner le point de vue d’un enfant surdoué et maltraité, qui se découvre, malgré lui, compositeur ? Ce Ludwig est un véritable gamin, qui raisonne, agit et s’exprime en enfant, tour à tour colérique, vulgaire ou écrasé par les responsabilités. Contraint de nourrir sa famille, il est un modèle de résilience qui survit aux coups et aux doutes, à la misère et aux deuils, au scepticisme de ses maîtres, à l’arrogance des mécènes et à des amours contrariées.
Le dessin est d’une féroce originalité. Bien que caricaturés, ses visages sont très expressifs et rappellent le travail de Fred. Ludwig est laid, les nobles sont gras et son père ignoble, Mozart est arrogant et Haydn jaloux. Seule Vienne peut être, à de rares occasions, belle. La vie est dure pour les indigents qui rêvent, secrètement, de révolution.
La palette de Ross ne s’illumine que pour illustrer les rêves de l’artiste et, plus encore, pour sa musique. Ross se lâche, ses crayons livrent de magnifiques figurations des premières compositions de Beethoven. Ses notes roulent, volent et emportent auditeurs et lecteurs, transportés par une commune sidération. La musique tirera Ludwig et ses frères de la misère et sauvera, peut-être, notre monde.
Stéphane de Boysson
Ludwig et Beethoven
Scénario et dessin : Mikaël Ross
Éditeur : Dargaud
180 pages – 19,99 €
Parution : 23 avril 2021
Ludwig et Beethoven — Extrait :