[Netflix] Love and Monsters : Monstres & Cie

Petite réussite dans le genre exsangue du divertissement familial, Love and Monsters se regardera avec plaisir, et pourra même nous encourager à ne pas nous replier sur nous-mêmes face à l’adversité. Pas si mal…

Love and Monsters
Dylan O’Brien – Photo Credit: Jasin Boland.

Nous nous demandions, l’autre jour, au cours d’une conversation entre cinéphiles et pères de famille, échangeant nos histoires personnelles quant au plaisir que nous avions à faire découvrir à nos enfants les vieux Spielberg, Joe Dante ou Zemeckis, quels seraient dans le futur les films « familiaux » qui remplaceraient nos E.T., Retour vers le Futur, Gremlins, etc. Nous nous accordions en général sur le fait que, décidément non, les monstruosités actuelles de la maison Disney/Marvel ne réussiraient pas le même miracle de réunir autour d’elles une famille heureuse de découvrir / redécouvrir ensemble des fictions joyeuses, riches, pleines d’enseignements, et sans doute surtout humaines… Alors, lorsque Netflix met en ligne un « film familial » joliment intitulé Love and Monsters, et interprété par Dylan O’Brien, le héros du Labyrinthe, comment ne pas avoir envie d’aller voir de quoi il retourne ? Envie d’y croire, même…

Love and Monsters afficheLove and Monsters débute bien, avec un O’Brien totalement convaincant, à la fois attachant et amusant avec ses aimables défauts, une sorte de Michael J. Fox pour notre époque peut-être ? Une courte introduction pour exposer la situation – peu crédible mais pleine de possibilités – d’une planète désormais dominée par une gigantesque faune mutante ayant obligé les rares survivants humains à vivre cachés, et nous sommes prêts pour un road movie « post-apo » dans la joie et la bonne humeur, avec plein de monstres répugnants qui vont essayer de dévorer Joel, notre improbable héros… soit un programme indiscutablement réjouissant.

Avec des effets spéciaux tout-à-fait acceptables qui rendent ces fameux monstres repoussants à défaut d’être réellement terrifiants (mais le film n’est clairement pas fait pour faire peur, et c’est d’ailleurs très bien comme ça…), avec la palette de sensations hollywoodiennes de base déclinée efficacement – peur, tristesse, joie, colère -, avec des personnages secondaires bien dessinés (excellent couple formé par Michael Rooker et par la petite Ariana Greenblatt), avec une AI émouvante et avec le chien adorable de rigueur pour verrouiller la caution « familiale » du film, le programme préparé par Michael Matthews se déroule sans grande surprise – la prévisibilité faisant sans doute aussi partie du cahier des charges… -, mais non sans plaisir pour le spectateur. Rien de vraiment passionnant non plus, et à ce stade on pourrait aisément pointer un paradoxal manque d’imagination des scénaristes… jusqu’au moment où Love and Monsters bascule, à la suite de retrouvailles quelque peu improbables entre notre aventurier et sa dulcinée Aimee.

Car la dernière partie du film, qui va rebattre les cartes entre « bons » et « méchants », en empruntant le thème bien connu des fans de Walking Dead de « l’homme est un loup pour l’homme », fait quand même dérailler le programme du « film familial » vers quelque chose de plus… euh sérieux peut-être. Ainsi, l’ambiguïté de la conclusion de la « love story » (par opposition avec la « monster story ») entre Joel et Aimee pourra décevoir le public « fleur bleue » du film, même si elle clarifie le vrai sujet du film : le vrai motif de ce « voyage » plus initiatique qu’on l’aurait pensé est la réalisation de soi, entraînant la possibilité d’une véritable ouverture sur le monde, aussi hostile et incertain soit-il.

https://youtu.be/DdIHtymX_Fc

Accepter d’avoir une attitude de bienveillance vis-à-vis des « monstres » eux-mêmes, qui n’en sont pas forcément, et prendre le risque de vivre quelles qu’en soient les conséquences, voici bien deux messages pertinents à notre époque de double repli sur soi, face à un « autre » que nous percevons de plus en plus comme un ennemi, et face à un virus qui a transformé radicalement les règles de notre monde.

Oui, le « film familial », pour peu qu’il soit à la fois divertissant et intelligent, c’est-à-dire qu’il garde la foi dans le rôle traditionnel du Cinéma, bouge encore. Les super-héros ne l’ont pas encore anéanti.

Eric Debarnot

Love and Monsters (2020)
Film US de Michael Matthews
Avec : Dylan O’Brien, Jessica Henwick, Michael Rooker…
Genre : Science-fiction, aventure, comédie
Durée : 1h49
Mise en ligne (Netflix) le 14 avril 2021