Non seulement le Rock’n’Roll n’est pas mort, mais nous avons sans doute plus besoin de lui aujourd’hui que jamais. Et ça tombe bien car Belle Phoenix vient juste d’émerger de l’obscurité avec son rock tout de tension et ses chansons bouleversantes : The Glorious Dead est un disque parfait pour célébrer la vie !
Peut-on sérieusement encore faire un album comme ce The Glorious Dead en 2021 ? Car ce qu’on y entend est tellement « purement Rock », « classiquement Rock » même, que ça aurait pu être composé et joué dans les années 60, 70, 80 (bon, peut-être pas, en fait…), 90, etc. et que c’est là presque de la musique « d’alien » en 2021. Mais, en fait, n’est-ce pas pour ça que c’est si bon ?
Alors, ce qu’on trouve sur cette galette – puisqu’on peut d’ores et déjà parier que The Glorious Dead sonnera encore mieux en vinyle -, ça ressemble à une divine surprise pour les gens qui se souviennent avec nostalgie de Johnette Napolitano et de son formidable groupe Concrete Blonde : soit une référence évidente mais jamais envahissante… et peut-être parce que peu de gens connaissent Concrete Blonde, en fait ! Belle Phoenix joue et chante un genre de rock noir, tranchant, alimenté de country gothique et de blues damné – soit le genre de choses qui a nourri Nick Cave, indiscutablement. Ses chansons sont avant tout construites sur l’inépuisable trio guitare-basse-batterie, avec juste ce qu’il faut d’instruments additionnels pour enrichir les ambiances nocturnes et tendues comme il faut. Mais elles sont, et c’est là la recette d’un vrai bon disque, nourries de mélodies bien troussées, et facilement mémorisables… Sans même parler de la voix impeccable d’une Belle Phoenix qui déploie tout le charme menaçant d’une vraie rockeuse en cuir noir d’autre fois… avec parfois dans son chant, des échos de la grande Deborah Harry, comme dans le romantique Blossom of Love…
Le bien nommé NYC n’aurait d’ailleurs pas dépareillé quelque part sur l’un des quatre premiers albums de Blondie, tandis que Dancing All Time, avec son gimmick de synthé, sa basse caverneuse, son beat métronomique, et sa superbe montée en puissance finale, est le genre de musique – jouissive au premier degré – qu’on a clairement arrêté de faire depuis plus de 20 ans.
On a d’abord le sentiment que l’imagerie déployée dans les chansons est assez conventionnelle quand on se réfère au Rock Gothique, entre fantômes, morts-vivants, démons, etc. Ce n’est pourtant là qu’une sorte de rituel divertissant qui dissimule des textes personnels, soucieux de : les morts-vivants de The Glorious Dead, ce sont clairement nous, qui avons perdu le chemin de la vie (« People people everywhere / People locked inside their heads / Some are fighting for beliefs / Some do walk the ways of peace / Some are used and cry for help / Lost inside the minds of filth » , soit : Des gens, des gens partout / Des gens enfermés dans leur tête / Certains se battent pour des croyances / Certains marchent sur les chemins de la paix / Certains ne sont que des instruments, ils appellent à l’aide / Perdus dans les esprits de l’ordure)… Un thème que reprend plus loin Lost The Dance : « I’m Dead Inside ! / What did you say ? / I’m Dead Inside and I don’t know how to live / And I don’t Know how to give / Tired of all the lies » (Je suis morte à l’intérieur ! / Qu’est-ce que tu as dit ? / Je suis morte à l’intérieur et je ne sais plus vivre / Et je ne sais plus donner / Fatiguée de tous les mensonges).
Il n’est pas facile finalement de circonscrire la créatrice de cet objet hors du temps, Belle Phoenix : entre l’Australie et la Finlande où elle habite désormais, en passant par la Grande-Bretagne et les USA où elle a commencé à construire ce premier album avec l’aide de Mark Plati, réputé pour sa collaboration avec Bowie dans les années 90, et également connu en France pour son travail avec des gens comme Louise Attaque, Bashung ou les Rita Mitsouko. Pour arriver à matérialiser la « vision » de Belle Phoenix, pour un résultat aussi impactant, on imagine très bien le boulot qu’il y a derrière, et la conjonction miraculeuse de l’obstination d’une artiste avec de multiples rencontres, comme ces musiciens australiens avec lesquels l’album a été finalement mis en boite.
Alors, si vous n’avez pas peur de perdre définitivement votre crédibilité d’amateur éclairé de musiques contemporaines, si vous avez besoin d’aller hurler votre désespoir et votre solitude à la lune, si vous vous souvenez au beau milieu de la nuit que, quand vous étiez encore vivant, vous aimiez votre rock’n’roll sombre, élégant et électrique, nourri de vibrations de country hantée, alors The Glorious Dead est fait pour vous.