Dans son nouveau roman, Yves Ravey met en scène un patron de station-service amoral, criblé de dettes et embaqué dans une mécanique froidement vengeresse. Du Ravey pur jus… toujours aussi singulier et jubilatoire.
Comme il y a une petite musique dans les romans de Patrick Modiano, il y a un ton, un rythme une atmosphère que l’on retrouve dans la plupart des romans de Yves Ravey.
Jean Seghers est gérant d’une station-service en compagnie de son épouse. Les affaires ne vont pas fort. La faillite le guette, et il y a son employé, Ousmane, qui en plus de lui réclamer de manière insistante des indemnités de licenciement, fricote avec sa femme Remedios, alors qu’il pensait que cette dernière entretenait une relation extra-conjugale avec leur ami Walden, président du tribunal de commerce.
Faillite financière, femme volage… il n’en faut pas plus au personnage principal de ce roman pour imaginer un plan diabolique censé régler tous ses problèmes d’un coup… Pas d’erreur, nous sommes bien chez Yves Ravey.
Comme souvent chez l’auteur de Trois jours chez ma tante et Pas dupe, on est surpris par la banalité de l’histoire proposée, par la réaction parfois un peu irrationnelle des personnages face aux situations souvent cocasses qui se présentent à eux et par la manière assez abrupte dont tout cela se termine.
Comme à son habitude, dans son style très épuré, l’auteur, ne s’embarrasse pas de fioritures ni de considération sentimentales, réduit ses phrases au strict minimum pour raconter son histoire encore une fois aux allures de polar de poche, qui évoquera par moment le théâtre, les fictions radiophoniques du samedi soir sur France Culture.
Yves Ravey donne peu d’explications, laissant l’impression au lecteur qu’il en sait autant que lui sur l’histoire, décrivant comme toujours, avec une extrême minutie, les lieux où se déroule l’action, mettant en scène des personnages un peu extravagants à l’image de cette experte mandaté par une compagnie d’assurance et qui joue ici le rôle de l’inspecteur Columbo, acculant Jean Seghers dans ses derniers retranchements afin de le confondre et de prouver sa culpabilité.
Un roman léger et sombre à la fois, une histoire banale, de « mari, femme et amant », porté par le style chirurgical, l’écriture fine et ciselée de Yves Ravey. Très plaisant.
Benoit RICHARD