Son nom ne vous dit rien mais vous avez peut-être déjà entendu sa musique dans les films de Shane Meadows. Avec 17 Postcards, son quatrième disque solo, Ted Barnes pourrait bien se faire enfin un nom avec cette série d’errances sans queue ni tête, entre miniatures, hymnes folk et minimalisme.
La musique a bien des qualités que l’on ne pourra toutes citer dans ces quelques mots, elle a cette capacité à dessiner des mondes, à éclairer sur cette vie qui nous ballade, elle nous aide à nous comprendre. Elle nous interroge autant qu’elle nous nourrit.
De toutes les qualités qu’on lui reconnaît, il en est une qu’on lui refuse, craignant sans doute hâtivement de réduire son aura ou son influence. La musique peut être illustrative, dans ce sens qu’elle dessine des situations, qu’elle dresse le portrait d’instants ou d’émotions. Cela ne nous pose pas de problème quand cette musique est utilisée à des fins d’agréments pour appuyer le propos d’un film, apporter son contrepoint sensible à des images. Et si un disque, à lui-seul pouvait contenir ses propres images, sa propre histoire, sa propre narration quitte à donner un sentiment de dispersion et d’incohérence.
17 Postcards, le quatrième album du méconnu Ted Barnes est un disque caractériel, changeant. En lançant l’écoute de ces chansons, ne craignez pas une agressivité électrique ou une hargne poisseuse. 17 Postcards, ce disque de Ted Barnes est caractériel car l’anglais semble vouloir dessiner plus des humeurs qu’une continuité stylistique. Au sein du même album, se côtoient tout aussi bien des ballades crépusculaires au seul piano, une mélancolie portée par un banjo, une lenteur Pop. Ce que l’on sent chez Ted Barnes, c’est cette volonté à vouloir raconter une histoire au travers d’une musique essentiellement instrumentale. On pourra penser à James Yorkston, à Bonnie Prince Billy, à un Americana et l’instant d’après se croire du côté de Debussy ou de Jeroen Van Veen.
Vous ne savez rien de Ted Barnes. Si je vous dis Clayhill, cela réveille peut-être quelques souvenirs. Clayhill, cette collaboration avec Gavin Clark (Sunhouse) et Ali Friend (Red Snapper) mais Ted Barnes est surtout connu pour sa collaboration sur les premiers disques de Beth Orton en en tant que guitariste. Ajoutons aussi ses nombreux travaux pour le théâtre et le cinéma, en particulier celui de Shane Meadows, le glacial Dead Man’ Shoes ou Somer Town. On sent bien que 17 Postcards s’est largement nourri de cette collaboration pour des metteurs en scène, là où la musique devient un outil d’illustration et de contraste. On pourra peut-être comprendre ce titre de 17 cartes postales comme autant de vignettes d’une vie que l’on imagine passée. Ces vieilles photos jaunies maintes et maintes fois manipulées puis oubliées du jour au lendemain. Ted Barnes joue aussi bien de l’abstraction que de la valse sur ce disque miraculeux aux accents délicieusement désuets.
Dans ses parties les plus expérimentales, 17 Postcards ravivera en vous les souvenirs du Tortoise de TNT ou les disques étranges de Bill Wells avec Maher Shalal Hash Baz. Dans les moments les plus sages, le Vini Reilly de Amigos Em Portugal ou le Penguin Cafe Orchestra de Simon Jeffes. Déroutant car caractériel et caractériel car déroutant, 17 Postcards est un disque à la générosité empathique, c’est un album qui se picore, qui se goûte dans un ordre ou un autre au plaisir de l’aléas et de l’inattendu. Un pied dans l’académisme, un autre dans la folie régressive, 17 Postcards désarçonne pour ensuite envoûter, il ne fait rien pour plaire et c’est sans doute ce qui le rend irrésistible.
17 Postcards, c’est un peu comme la peinture de dix-sept individus, de dix-sept vies toutes différentes et pourtant si proches. 17 destins, 17 passés, 17 rêves de futurs. Ted Barnes fait glisser son pinceau pour redonner vie à ces individus, pour redonner une valeur à ces vies enfuies, pour rappeler que chaque instant aussi futile puisse-t-il paraître fait partie d’un grand tout, d’une histoire que l’on ne raconte jamais.
17 Postcards comme autant d’images dans lesquelles on se perdra encore et encore.
Greg Bod