Cinq ans après L’Homme qui tua Lucky Luke, Matthieu Bonhomme renoue avec le cow-boy le plus célèbre de la bande dessinée… Et c’est une réussite.
Matthieu Bonhomme propose un héros au classicisme assumé et attaché à sa solitude, cousinant avec les personnages immortalisés par John Wayne, James Stewart ou Gary Cooper. Il parvient à conserver une filiation avec la ligne claire, les aplats de couleur et les mouvements de foule de Morris, tout en gagnant en réalisme, les couleurs sont moins vives, les visages s’affinent et les silhouettes s’allongent.
L’album débute par une tentative d’assassinat, puis Luke sauve trois sœurs, pour découvrir que sa tête a été mis à prix. Il s’appuiera sur les solides jeunes femmes, qui ont appris à se défendre, tout en résistant à leurs avances. « Au jeu de l’amour, c’est chacun pour soi ». Tout au plus, peut-on regretter qu’elles se confondent un peu. Jolly Jumper a perdu en sagacité et ses remarques caustiques nous manquent. Moins sombre que L’Homme qui tua Lucky Luke, l’histoire est un hommage au western et un monument de second degré. Luke est raillé pour son anti-tabagisme et accusé d’avoir assassiné Phil de fer, en effet, accepter un duel au pistolet quand on se sait plus rapide que son ombre, n’est-ce point machiavélique ? Une fois n’est pas coutume, la cavalerie arrivera à temps.
Les couleurs sont magnifiques, contrastées et appuyées par un bel encrage. L’album privilégie la lumière orangée du soleil couchant, le bleu profond des nuitées aux lampes à pétrole, ou délicatement azurées du lever du jour. La somptueuse couverture évoque le dernier combat de Custer face à des hordes d’Indiens. Les cadrages ont gagné en précision et empruntent à Sergio Leone. Admirez la page 11, une magnifique scène où un fameux cowboy et trois ravissantes cowgirls se lancent à la poursuite d’un troupeau dans la nuit.
Stéphane de Boysson