Entre le délitement d’un couple et une histoire classique de maison hantée, Dans les Angles Morts ne trouve pas son équilibre, et échouera à nous convaincre en dépit d’un casting impressionnant. Mieux vaut sans doute lire le livre dont il est tiré.
Vu que le cinéma coréen a construit sa réputation mondiale il y a plus de vingt ans sur le mélange de genres, il serait sans doute temps que l’Occident s’y mette ; pourtant, la plupart des tentatives US ou européennes semblent systématiquement échouer, n’atteignant jamais cet équilibre improbable qui fait que chacun des « genres » fonctionne au premier degré, et à la satisfaction du spectateur exigeant. Dans les Angles Morts (drôle de titre en français, même si l’original, Things Heard & Seen n’est finalement guère plus pertinent…) est le dernier exemple d’une tentative ambitieuse de mêler épouvante classique (le stéréotype de la maison hantée dans lequel s’installe un jeune couple innocent arrivant dans une bourgade un peu perdue) et thriller psychologique très à la mode en ce moment (est-ce que je sais vraiment quelle est la personne avec qui je vis ?), pour finalement ne déboucher sur rien du tout. Et laisser en plan aussi bien les amateurs du film d’horreur – puisqu’il n’y a absolument rien d’effrayant dans le film – comme ceux de l’angoisse cérébrale – le script ne tirant guère de conséquences du dévoilement des secrets familiaux.
On peut imaginer que le roman d’Elizabeth Brundage à la source du film, mais qui fait, semble-t-il, la part belle à une autre tragédie s’étant déroulée dans la maison quelques années plus tôt – à peine suggérée ici, malheureusement, à travers les apparitions de fantômes bien commodes – était beaucoup plus ambitieux et complexe que le script que le couple (… à la ville comme au travail…) Shari Springer Berman et Robert Pulcini a écrit pour le film. On peut également se demander pourquoi réunir un casting aussi intéressant que celui-ci, avec quand même une pointure comme F. Murray Abraham à qui l’on ne donne rien à faire, pour se contenter d’agiter des personnages comme des marionnettes sans âme. Et on s’irritera que le choix d’éluder certaines scènes-clé – un choix audacieux, certes – ne débouche finalement sur pas grand-chose, cinématographiquement.
Même si la conclusion, assez joliment délirante quand même, inspirée des peintures de George Inness, ne manque pas de panache, et même s’il n’est pas désagréable de regarder jouer James Norton, Amanda Seyfried, mais surtout Natalia Dyer (qui a grandi depuis Stranger Things) ou la formidable Rhea Seehorn (qui ne nous fera pas oublier Better Call Saul), la plus grande qualité d’un film aussi anodin que ce Dans les Angles Morts est sans doute de nous donner envie de lire le livre.
Eric Debarnot