Tout en portant un regard aiguisé sur le monde moderne, Benoît Duteurtre se retourne sur son passé pour nous livrer un récit autobiographique sensible mais aussi teinté d’une douce nostalgie quand il évoque ses souvenirs d’enfance. Une belle lecture.
Certains connaissent sans doute Benoît Duteurtre pour son émission hebdomadaire sur France Musique Etonnez-moi Benoît, consacrée au musiques d’antan. D’autres l’on peut-être découvert comme journaliste-chroniqueur dans divers magazines au cours des précédentes décennies. D’autres enfin le connaissent tout simplement comme écrivain, comme celui qui a écrit de nombreux romans à caractère autobiographique, ou non, comme La petite fille et la cigarette, A nous deux Paris ou Le Voyage en France (prix Médicis 2001). Et puis, il y a ceux qui ne le connaissent pas du tout… ou pas encore. À ceux-là, on ne pourra que conseiller la lecture de son dernier ouvrage Ma vie extraordinaire. Un titre faussement narcissique (ou vaniteux diront certains) pour un livre dans lequel le natif de Normandie dresse une sorte de bilan sur une vie riche d’aventures de rencontres en évoquant au fil des pages de nombreux souvenirs de jeunesse ou de sa vie d’adulte, entrecoupés d’anecdotes et de considérations sur le monde actuel tel qu’il le perçoit du haut de ses 60 ans passés.
Personnage sensible et attachant, gentiment misanthrope, Benoît Duteurtre se souvient de son enfance dans les Vosges, de ses étés et ses hivers qu’il a passés du côté du Valtin, un village situé entre Saint-Dié et Gérardmer, dans la maison de son grand-oncle Albert et de son épouse Rosemonde, deux êtres adorables et protecteurs, deux anciens résistants dont il garde un souvenir inoubliable.
Des coins de pleine nature où lui, l’arrière petit-fils du président René Coty, a passé tant de moments inoubliables, et où il aime retourner chaque année avec son compagnon Jean-Sébastien pour écrire, et aussi pour retrouver le plaisir des ces balades en montagne sur les sentiers de crêtes à la limite des Vosges et de l’Alsace.
Il se souvient aussi de sa vie de noctambule à Paris dans les années 80, de ses expériences diverses, lui qui avoue avoir pas mal abusé de drogues diverses, il se souvient de ses années difficiles quand il a débuté une carrière qu’écrivain, et qu’il a mis du temps à être reconnu comme tel. Il évoque égalent ceux qui l’ont soutenu (Beckett, Kundera, Houellebecq, Sempé…) et qui, pour certains, sont devenus ses amis.
De cette vie à la fois simple et extraordinaire, Benoît Duteurtre en a tiré un livre à la fois caustique, touchant quand il évoque son amoureux, léger ou futile, qui constituera au final un vrai petit bonheur de lecture en compagnie de celui que certains continueront sans doute de qualifier de réac pour son refus du mariage gay ou de se reconnaitre dans un quelconque mouvement identitaire tel que les LGBT. Un livre teinté de nostalgie, un livre sur le temps qui passe, sur les époques et les mœurs qui évoluent et qui en tout cas dégage une sincérité, une franchise et une honnêteté qui font plaisir à lire.
Benoit RICHARD