Après un disque en forme de retour inespéré en 2018, Nicolas Falez réactive encore une fois son nouveau groupe, Fontaine Wallace avec Le Projet qui reprend les choses à peu de choses prés là où on les avait laissées en 2018… ou avec La Chance, le dernier disque de Superflu.
Certains artistes font finalement toujours un peu le même disque sans jamais se répéter. Ils poursuivent une même obsession, une même ligne droite. Pourquoi faudrait-il toujours faire des œuvres en réaction les unes par rapport aux autres ? Pourquoi ne pas continuer dans une seule et même voie quand on croit y avoir trouvé ce que l’on est vraiment, ce que l’on est sans fard ?
Qui écoutera Le Projet, de Fontaine Wallace, projet de l’ancien de Superflu, Nicolas Falez, ne verra sans doute pas de grande différence entre les deux périodes de l’artiste. Certes, la voix a un peu mûri, certes les traits se font plus épais, le cheveu plus poivre et sel mais dans l’essence de la composition-même rien n’a réellement changé. Tout ce qui faisait la force des disques de Superflu est ici absolument intact. De la voix trainante de Nicolas Falez, possible réponse nonchalante et européenne à celle de Bill Callahan.
Peut-être que la nouveauté, c’est l’émergence d’une certaine douceur, de celle que l’on entend avec ravissement dans les derniers disques de Bertrand Betsch. Ici pas de soupe à la grimace ni de sarcasmes mais certainement pas de complaisance ou d’égo superpuissant non plus. Nicolas Falez chante les anti-héros du quotidien, ces êtres perdus dans les crépuscules de l’homme blanc, dans les systèmes finissants.
Sous les radars,
je chante pour faire pleurer de gros garçons barbus, sensibles et tatoués
Sous les radars,
Je me laisse embrasser par la super-héroïne qui sauve les enfants perdusFontaine Wallace – Sous Les Radars
Si on laisse de côté les climats musicaux, on pourrait rapprocher les envies d’écriture du Nicolas Falez de 2021 de ceux de Jérôme Minière pour cette écriture blanche, pour ce cross-over entre influences américaines et européennes. On pense parfois au Pinback de 1999 pour ces arrangements sur les voix dans ces chansons Pop à la ligne claire en trompe l’oeil, des mélodies un peu alambiquées qui prennent la tangente, parfois un propos qui se « muscle » (gentiment).
https://www.youtube.com/watch?v=0eHVVZqwauc
Nicolas Falez n’a rien perdu de sa pertinence même si en ouverture sur le titre Le Projet, il se sabre d’emblée en disant « La faiblesse de mes analyses m’a fait bouffer le noyau et cracher la cerise« . Mais L’ex Superflu a bien compris qu’il faut soigner ses entrées, et par-delà l’accroche, il pose une ambiance, une thématique. Accepter que le projet c’est que « tout reste en désordre et quand on tombe, on tombe sans aucun style » peut s’avérer un programme largement enthousiasmant pour quelqu’un qui souhaite dépasser le stade de la dépréciation de soi.
Avec ce second disque de Fontaine Wallace, c’est un peu comme si on écoutait des chansons de Slowcore mais d’un Slowcore qui aurait débranché les guitares, qui aurait délaissé le minimalisme Lo-Fi pour des arrangements soyeux. On a l’étrange sensation de croiser les frères Kadane de Bedhead et The New Year en creux dans ce disque.
Nicolas Falez nous avait habitué à de longues éclipses, déjà du temps de Superflu où le groupe disparaissait parfois pendant de longues années (Sept années séparent leur second disque, Tchin Tchin de La Chance, leur ultime album). Nicolas Falez qui disait à la fin du premier Fontaine Wallace en 2018
Trop de chanteurs, trop de chanteuses. Alors je vais me taire et la mettre en veilleuse
Fort heureusement, il n’aura pas suivi cette formule bien que l’on sente chez lui ce syndrome de la fuite en avant jusque dans ses textes et ses chansons. Pou l’heure, on le remerciera pour sa présence chaleureuse sans craindre l’avenir, sans trop regarder en avant. Pour l’heure, on vivra l’instant avec l’assurance de s’y sentir un peu chez soi.
Nicolas Falez et Fontaine Wallace organisent des fêtes pour ses amis et ses amours morts qui débarquent avec la nuit, nous, nous embarquons dans son projet incertain mais nécessaire, son écriture raffinée et lettrée, ces labyrinthes à la Joyce que nous sommes.
Greg Bod