Même si les deux albums précédents de Johnny Mafia étaient très convaincants, on n’attendait pas de leur part une bombe à la fois délicieusement sucrée et destructrice comme ce Sentimental. A écouter très fort en jouant de l’air guitar et en hurlant les refrains des chansons !
Le premier titre de Sentimental, le troisième album des rockers de Sens, Johnny Mafia, est étonnant : Split Tongue déploie l’énergie et la rage qui était celle des Pixies de Doolittle et de Bossa Nova, ni plus ni moins. A une époque où il est difficile de perpétuer la belle tradition du punk rock sans que des petits malins comme nous ne pointent des influences pour mieux déplorent le manque de créativité des nouveaux groupes, avouons qu’aller se frotter à l’héritage des Pixies est plutôt culotté, et pas si fréquent que ça !
On savait depuis leurs débuts que le gang de Johnny Mafia lorgnait plus vers les US que vers l’Angleterre, et que les années 90 constituaient une référence essentielle. Même si la dernière (intense) prestation scénique que nous avions pu voir du groupe – au festival Rock In the Barn en septembre dernier – dénotait plutôt une approche tantôt garage rock, tantôt punk californien, Sentimental ne saurait constituer une surprise complète. Non, ce qui étonne, et très favorablement, c’est la qualité mélodique de la plupart des compositions de l’album : là encore, ce mélange de surf-pop et de hurlements sur un tapis de guitares agressives s’inscrit dans la tradition établie par la bande à Black Francis, et on recommanderait bien aux lutins de Boston de reprendre sur scène une chanson aussi efficace que Aria, par exemple.
On note ainsi – sans que l’on puisse accuser le groupe du moindre adoucissement, attention ! – une capacité à composer et jouer des chansons parfaitement accrocheuses comme Love Me Love Me ou l’irrésistible TV & Disney, que l’on aura plaisir à chanter en chœur avec eux lorsqu’on pourra à nouveau pogoter devant une scène… en se faisant bien entendu détruire l’ouïe en même temps, sinon ce ne serait pas drôle.
Globalement, à l’image de sa pochette décalée et très réussie, l’ambiance de Sentimental reste fidèle à l’esprit un peu potache d’une bande de potes qui, depuis le lycée, prennent un plaisir fou à faire du bruit et à chanter des choses amusantes. Ce qui a changé, c’est que, si l’on se réfère à un single aussi réussi que I’m Sentimental, ce n’est plus simplement Sens ou l’Yonne tout entière qui devrait s’embraser pour Johnny Mafia : on ne voit vraiment pas pourquoi les fans de Rock bruyant et jouissif du monde entier ne les suivraient pas désormais avec le même enthousiasme que nous !
Eric Debarnot