Fred Duval et Nicolaï Pinheiro proposent leur propre version d’Un avion sans elle, le roman qui a fait la célébrité de Michel Bussi. Une adaptation convaincante d’un polar bien ficelé, entre Normandie et Jura.
Récemment, les éditeurs BD nous ont proposé nombre d’adaptations de chefs-d’œuvre de la littérature, pensez aux Moby Dick et Bartleby le scribe d’Herman Melville ou aux quatre versions de 1984 de George Orwell. Pour autant, ils n’ignorent pas les best-sellers contemporains, notamment ceux de Michel Bussi, Nymphéas noirs étant la seconde adaptation par Fred Duval. Avec 10 millions d’opus vendus en 36 langues, l’écrivain normand s’est hissé au second rang des meilleures ventes annuelles françaises, détrônant Marc Levy, juste après l’intouchable Guillaume Musso.
Un best-seller est un produit parfaitement formaté. Il associe une écriture rapide, une intrigue alambiquée (ici policière, elle mêle la catastrophe du mont Saint-Odile, un échange d’enfants et un juge dépassé), une romance impossible (incestueuse), une héroïne sympathique, un méchant (un industriel tout puissant), de très nombreux rebondissements, un twist final et, généralement, un happy end.
Un avion de ligne s’écrase dans le massif du Jura. Le seul survivant est un bébé de 3 mois que vont s’arracher une famille richissime et un couple de petits commerçants. L’histoire est racontée par le détective privé, chargé de l’enquête durant 18 ans. Les personnages sont bien écrits et échappent à un manichéisme outrancier. Tout au plus, manquent-ils d’un héros principal, la jeune fille miraculée se révélant dépassée par son destin. Fred Duval ayant élagué le texte pour rester dans un format de BD, le lecteur devra être attentif aux codes couleur des bulles, plusieurs ellipses sont surprenantes.
Nicolaï Pinheiro a grandi au Brésil et a découvert la BD dans les comics américains et les journaux satiriques. Ce n’est qu’en arrivant en France, à l’âge de 18 ans, qu’il s’est initié au style franco-belge. Privilégiant des couleurs chaudes, son dessin réaliste et d’un grand classicisme est au service de l’histoire. L’expressivité de ses visages permet de ne pas surcharger en textes les planches. Le travail sur les personnages âgés, plus tourmentés, rappelle celui de François Boucq. Le contexte historique est bien rendu et il a particulièrement réussi la jeune et complexe Malvina et le célèbre fourgon H Citroën.
Les 176 pages passent rapidement. Le lecteur est accroché, même si, au final, l’histoire se fera rapidement oublier. C’est le principe d’un best-seller.
Stéphane de Boysson