Le Canadien Michael Feuerstack signe avec Harmonize The Moon un disque de folk plutôt conventionnel mais qui ne provoque jamais l’ennui. On y entre comme on entre dans un foyer douillet, agréable et paisible, certes parfois prévisible, mais pourquoi se gâcher son plaisir ?
Le folk connaît autant de gammes de genres qu’il existe de pays, de cultures et de paysages sur cette Terre. Qui me dit qu’il n’y trouve jamais son compte avec ce genre musical fait, au choix, preuve d’une mauvaise foi ou est un menteur invétéré. Comme le Jazz et la musique classique, la Pop dans une moindre mesure (dont l’existence est plus récente), le Folk a une longue histoire et une tradition. Pas grand chose en commun entre le Folk du Northumberland et celui des Appalaches, entre le Folk qui, pour les uns se fourvoie avec la Pop, pour l’autre, se modernisent. Ce qui est sûr, c’est que le Folk est une valeur indispensable à laquelle on revient toujours comme si on savait que l’on allait y trouver une forme d’authenticité et de sincérité.
C’est à une musique d’humeurs que nous convie le canadien Michael Feuerstack sur son nouvel album au titre évocateur, Harmonize The Moon. Pourquoi « humeurs » me direz-vous ? Ce disque n’est jamais irascible, loin s’en faut. Il raconte les petits instants du quotidien, au détour d’une chanson, on entend une porte qui s’ouvre sur la vie d’une famille. Harmonize The Moon est le cinquième album solo après son expérience collaborative avec son projet Snailhouse qui lui permit de travailler avec Julie Doiron ou des membres d’Arcade Fire. Qui aime les guitares slide, le folk aux forts accents d’Americana incarnée par une voix chaleureuse devrait trouver son compte sur ce disque. Il faudra toutefois apporter des nuances à ce jugement. Ces dix chansons de belle facture n’ont rien d’exceptionnelles ni de révolutionnaires, mais attend-t-on d’un genre comme le folk une complète remise en question ?
Non sur Harmonize The Moon, Michael Feuerstack ne cherche pas à bousculer l’agencement de ses chansons, il n’est pas par exemple Mark Linkous qui intégrait une belle part d’abstraction à son répertoire, un peu aussi de sa psyché déroutée et tourmentée. Non, Michael Feuerstack cherche autre chose, peut-être un équilibre constant, quitte à donner l’impression d’une musique un peu conventionnelle et académique, sans grandes aspérités. On sent chez le canadien une quête de l’inaccessible, de la chanson parfaite dont il se rapproche parfois comme sur le sublime titre qui donne son nom à l’album, possible résurgence dans notre présent de la Judy Garland d’Over The Rainbow, la langueur grave d’un Johnny Hartman.
On comprend bien vite qu’Harmonize The Moon sera un disque qui grandira d’écoute en écoute, en cela, il est un peu en décalage avec notre perception de la durée de vie d’une œuvre d’art. On doit avoir un jugement tout de suite, dans l’immédiat sur une suite de mélodies alors qu’il faut parfois laisser l’instant capter la magie sur la durée. On comprend bien que Michael Feuerstack se moque pas mal de paraître conventionnel ou académique, il ne travaille pas pour notre temps présent mais pour des chansons qui, espère-t-il, lui (et nous) survivront.
Harmonize the moon
Sing the tidal tune like the oceans do
Harmonize the moon
Tones of purple and blue
Cloud curtains open wideHome alone in the early winter
Furnace quiet dusky shiver
Once the light goes blue
the orange and yellows fadeMichael Feuerstack – Extraits d’Harmonize The Moon
Peu importe que l’on pense entendre les oiseaux d’un Leonard Cohen sur Call Of The Tired, peu importe que l’on entende le bruissement liquide de la rivière et de sa métaphore de vie. L’enjeu est ailleurs dans les chansons de Michael Feuerstack, dans le bruit du vent qui constitue l’ossature, la colonne vertébrale des compositions du canadien. C’est en cela que ces titres sont des parcelles de caractères car il se dégage de cet ensemble un sentiment d’individualité. Peu importe que Time To Burn renvoie à Spain et au Josh Haden de She Haunts My Dreams (1999). Peu importe, oui, car quand on a écrit une chanson comme Harmonize The Moon, on peut bien tout arrêter. Tout le monde n’a pas la capacité d’écrire une chanson qui deviendra un standard à la manière de Stardust ou de quelques autres rares pépites, je pense à It Was A Very Good Year ou Forest Fire par exemple.
Ce disque n’est finalement qu’un écrin pour entourer une chanson sublime, Harmonize The Moon entourée de morceaux plus convenus, souvent touchants mais pas du niveau du titre phare. Un disque de cette qualité que l’on rencontre dans cette chanson aurait été un chef-d’œuvre, on obtient au final un album charmant de folk assez convenu, magnifiquement arrangé, produit avec élégance et portée par une voix amie.
C’est peu mais c’est déjà beaucoup de récolter cette chanson qui, on le sait, nous accompagnera longtemps après que nous ne serons plus là.
Greg Bod