Excellente surprise, dans le registre dangereux du divertissement familial, que ce Sweet Tooth, adaptation soignée et donc réussie d’un comic book post-apocalyptique au sujet pourtant peu original.
Si les nombreux fans des comic books de Jeff Lemire frémissaient devant la perspective d’une adaptation à la sauce Netflix du récit post-apo Sweet Tooth (et la redoutaient sans doute autant…), on ne peut pas vraiment dire qu’on accordait a priori le moindre crédit à cette nouvelle série positionnée par la plateforme comme « familiale », centrée autour du personnage d’un enfant de dix ans trop mignon affublé de bois de cerfs. Après avoir beaucoup hésité à nous lancer dans cette histoire peu attrayante – et ce d’autant que le premier épisode est assez accablant par son recyclage de scène déjà trop vues et par son souci de rendre tellement attachant son héros, quelque chose s’est mis en place. Et, 7 épisodes plus tard, nous sortions de là en admettant que nous avions plutôt passé de bons moments devant la série de Jim Mickle et Beth Schwartz.
Cette histoire de monde décimé par une pandémie libérée d’un laboratoire travaillant sur un virus ramené du sol gelée l’Alaska, qui dépeint une société en ruines, déchirée entre para militaires brutaux recherchant des enfants hybrides d’animaux nés avec la pandémie et défenseurs des dits enfants, ne présente absolument aucune originalité. Et même si les deux derniers épisodes en forme de flash-backs s’avèrent très excitants, ils ne contiennent rien a priori d’original dans leur enchaînement de « révélations » assez convenues.
Et pourtant, tout ça fonctionne, et la série réserve même quelques moments singulièrement touchants au milieu des stéréotypes politiquement corrects qui nourrissent un scénario prêchant systématiquement la bonne parole écologique et le respect de la différence… Sweet Tooth gagne clairement des points qu’elle s’éloigne un peu du périple de notre héros trop choupinet qui fait craquer tout le monde (on est assez loin de l’image créée par Lemire !), et c’est sans doute la partie réellement paranoïaque consacrée au couple formé par le médecin chercheur et sa femme contaminée, cherchant à éviter l’attention de voisins prompt à l’autodafé, qui achève de nous convaincre du sérieux d’une histoire… sans doute un peu excessivement polie par Netflix afin de ratisser large en termes d’audience.
Et si cette bonne tenue d’une série aussi « convenue » était due à quelque chose de très simple, que la majorité des productions sérielles et filmiques de Netflix ignoraient la plupart du temps ? Le professionnalisme de toute l’équipe en charge de Sweet Tooth, ou, plus précisément, le soin apporté à tous les aspects « techniques » de la série… l’amour du travail bien fait, le respect du public. Rien de révolutionnaire, rien de vraiment excitant, et pourtant…
Voici donc une histoire correctement écrite qui n’abuse pas de facilités pour gérer les invraisemblances inévitables de son sujet, voici une photographie qui magnifie les paysages naturels d’une Amérique redevenue sauvage (en particulier le Parc de Yellowstone), voici une réalisation discrète et efficace, et surtout une direction d’acteurs impeccable qui permet à un casting dépourvu de célébrités d’exceller… Il y a une forme de simplicité dans ce cinéma de divertissement, basé sur des sentiments universels et des concepts simples, peuplé de personnages attachants, qui renvoie souvent au cinéma familial d’antan, en dépit de l’excès de codes et de références contemporaines.
Comme les mystères s’accumulent dans les dernières minutes du dernier épisode, avec cliffhanger de circonstance, il est même probable qu’on ait envie de tenter une seconde saison ! Et de lire le comic book de Lemire, sans doute bien supérieur…
Eric Debarnot