Adaptation d’un roman du jeune médecin et auteur à succès Baptiste Beaulieu, ce récit raconte la quête d’un fils pour percer un lourd secret qui va chambouler toute une famille.
Après Alors voilà : les 1001 vies des urgences, Alors vous ne serez plus jamais triste et La Ballade de l’enfant gris, trois romans ancrés dans le monde hospitalier, Baptiste Beaulieu nous entraine dans une remontée dans le temps à la découverte de son grand-père. Moïse vient de mourir. L’homme était taciturne et son fils Denis est désemparé par la découverte de lettres adressées, mais jamais envoyées, à une mystérieuse Anne-Lise. Manifestement, l’amour de sa vie. Trop affecté par ce secret familial pour enquêter, il sollicite l’aide de Baptiste, son propre fils, afin d’identifier la jeune femme.
Le roman associe deux temporalités distinctes : la lecture des lettres de Moïse qui racontent, chronologiquement, sa vie, ses amours et ses épreuves ; les réflexions et les démarches de Baptiste pour retrouver des témoins ou leurs descendants en France, Belgique et Allemagne. Moïse n’a pas été épargné par le sort. Son père a été tué en 1914. Il a été mobilisé, a combattu puis a été fait prisonnier en 1940. Moïse décrit un temps où l’on peut mourir des suites d’une banale infection, où les Allemands sont universellement détestés, où les différences de classes sociales sont abyssales et où la guerre est totale. Malgré tout, Moïse a aimé, trois fois, d’un amour fugace, d’un amour perdu, puis d’un amour tardif. Baptiste va apprendre à découvrir son grand-père, ce qui lui permettra de comprendre les blessures de son père et, ce faisant, de se rapprocher de lui.
Dominique Mermoux a choisi de clairement dissocier les deux histoires. Les lettres sont illustrées de dessins crayonnés bi-chromatiques (marron et bleu) qui évoquent les livres pour enfant de l’entre-deux-guerres. Le trait est souvent naïf et les expressions sur-jouées. Des codes couleur simples soulignent le propos, ainsi, les gentils sont transparents et les méchants noirs. La quête principale est dessinée dans le style moderne de la ligne claire, avec un trait réaliste et des couleurs chaudes. Le contraste est très agréable et le travail véritablement soigné.
Difficile de critiquer ce récit qui coche toutes les cases de la bienveillance, de la tolérance et de l’humanité. Baptiste Beaulieu est un auteur profondément empathique qui sait raconter, tout en préservant la complexité des choses. La multiplicité des personnages exige un minimum d’attention, mais le lecteur ne peut que se laisser émouvoir par cette succession de drames surmontés avec résilience par Moïse. Le dessin de Mermoux apporte une respiration bienvenue dans un texte dense. Les parties crayonnées laissent l’imagination du lecteur compléter les parties manquantes. Alors, laissez-vous emporter…
Stéphane de Boysson