Un film au sujet passionnant (la résistance contre l’emprise communiste sur l’église catholique dans la Tchécoslovaquie des années 80), mais dont le formalisme écrasant, la narration décousue et les personnages opaques nous tiennent finalement à distance.
Pour peu que l’on se soit renseigné, avant de voir Les séminaristes, sur son synopsis et son ancrage historique, c’est, face aux premières images, à une sorte de thriller d’espionnage à l’ancienne auquel on pense d’abord. Une voiture qui roule dans la nuit, un corps mort que l’on sort du coffre arrière, un homme mystérieux à l’air taciturne… Cette impression initiale, tout au long du film, ne nous quittera jamais vraiment, Ivan Ostrochovský s’ingéniant à dépeindre une période sombre de l’histoire de la Tchécoslovaquie sous l’angle d’une œuvre singulière où conspirations et sécurité d’État, traîtrises et paranoïa viennent parasiter l’apprentissage de la parole de Dieu.
Cette période sombre où le régime communiste, dès son accès au pouvoir en 1948, entendait imposer ses seules volontés politiques et idéologiques, et ce jusqu’au démantèlement du rideau de fer à la fin des années 80. C’est justement au début de ces années-là, en pleine « Normalisation », que deux jeunes séminaristes, Juraj et Michal, vont se retrouver pris dans la lutte, clandestine, de l’Église catholique contre son contrôle et contre de nouvelles règles imposées par le régime qui ira jusqu’à créer Pacem in Terris, organisation religieuse collaborationniste qu’il déploie alors dans toutes les formations cléricales du pays.
Pour raconter tout cela, Ostrochovský opte pour une mise en scène ultra formaliste (peu de dialogues, musique inquiétante, beau noir et blanc expressif, cadre millimétré, nombreuses ellipses narratives…) créant un climat étrange, d’angoisse latente où chaque parole, chaque geste, deviennent source de dérèglements, altèrent les jugements et les engagements. Dans ce monde d’ombres, de menaces et de révoltes silencieuses, il s’agit désormais, au-delà de sa foi et de l’amitié, de porter des combats pour la liberté. Dommage qu’un si beau sujet se retrouve en partie désincarné par ce formalisme écrasant, qui tient le spectateur comme à distance, une narration décousue et des personnages trop opaques dont on peine finalement à s’attacher quand, pourtant, leurs doutes et leurs actes (de résistance) avaient tout pour nous toucher, voire nous bouleverser.
Michaël Pigé