Pour le 200e anniversaire de la mort de l’Empereur, Le Tambour de la Moskova nous conduit sur les pas d’un tout jeune tambour enrôlé à la veille de la campagne de Russie. Simon Spruyt célèbre le naufrage, physique et moral, de la Grande Armée en Russie.
Vincent Bosse est un tout petit personnage du Guerre et Paix de Léon Tolstoï, qui apparait au chapitre 74 du tome III. Doté d’un physique d’ange et d’un visage lumineux, le gamin attire sourires et affection. Instinctivement, pour survivre dans un milieu hostile, il se place sous la protection d’un prêtre, d’un caporal cynique, d’un tambour criminel, puis d’un sergent major sybarite, enfin d’un chef de partisans russes. Au soir de sa vie, il raconte à Tolstoï son histoire. A-t-il sciemment trahi ou luttait-il pour survivre ? Lui-même ne sait plus.
La fameuse journée du 7 septembre 1812, la bataille de la Moskova et ses 75.000 victimes, est expédiée en quatre planches confuses. Les survivants ignorent s’ils ont gagné, « ça, c’est aux généraux de le dire ».
Si le propos est violent, avec de nombreuses réminiscences aux Désastres de la Guerre de Francisco de Goya, contemporains de la Moskova, les acmés de violence sont seulement suggérées. Le très original dessin du Flamand joue avec les codes de la littérature enfantine. Silhouettes, compositions et couleurs proches empruntent autant à Marc Chagall qu’à Tomi Ungerer, associant humour noir et couleurs directes appliquées aux pastels, encres ou aquarelles.
Son récit est confus. Les anecdotes succèdent aux meurtres, les beuveries aux pillages. Le tambour n’est plus maître de son destin. Seuls les généraux et les historiens seront capables, après coup, de dresser un plan d’ensemble de la campagne, puis de tenter d’expliquer la folie des hommes. Sans jamais tuer, Vincent a seulement survécu.
Stéphane de Boysson