Sur le passionnant sujet de la violence de plus inhérente à nos sociétés, la série israélienne Black Space échoue à nous passionner, mais aura au moins le mérite de nous faire réfléchir. Et nous préoccuper pour nos enfants.
Black Space commence comme une série US qui aurait fait fi de l’omerta générale sur les armes à feu : des tireurs masqués dans un lycée, un massacre, l’horreur qui débarque dans l’existence de familles ordinaires. Mais nous sommes à Tel Aviv, en Israël, et la faute est évidemment rejetée sur des Palestiniens, des ouvriers qui effectuaient des travaux dans l’établissement. Heureusement, un flic torturé – et borgne, ça a son importance – soupçonne rapidement que les coupables sont des lycéens. Comme souvent aux USA, d’ailleurs. Black Space va accompagner l’enquête policière, non seulement sur le QUI, mais sur le POURQUOI de la tuerie. Et nous plongera dans l’âme noire de la société israélienne, et de sa jeunesse dorée, à la psyché troublée par le mélange d’insécurité existentielle inhérente à la situation politique du pays et de nihilisme arrogant propre à l’adolescence.
Le sujet de la série est donc passionnant, parce qu’il enrichit son enquête policière, menée sur les réseaux sociaux et en particulier le forum secret « Black Space » qui lui donne son titre, mais aussi au fil des nombreuses fêtes ou réunions spontanées des ados où alcool, drogue et sexe constituent un cocktail détonnant, de considérations sociales pertinentes : il est finalement rare de voir une série israélienne pointer, même en passant, le népotisme, la corruption et l’aveuglement général qui règne dans la société, et c’est sans doute là – même si le scénario aurait pu être plus courageux, plus ambitieux aussi – une bonne raison de regarder Black Space.
Une autre est l’interprétation tendue, hargneuse, de Guri Alfi, inconnu chez nous, qui confère à son personnage une inquiétante singularité : foncièrement antipathique, indéfendable aussi bien dans sa vie professionnelle que personnelle, l’inspecteur Davidi est une belle figure de polar, et la manière dont son enquête entre en résonnance avec son propre passé ajoute encore de la gravité à Black Space.
Alors, une autre réussite de la télévision israélienne ? Eh bien, malheureusement, pas tout-à-fait. Parce que trop longue et donc un peu ennuyeuse, parce qu’échouant à caractériser suffisamment ses personnages d’adolescents, qui nous restent la plupart du temps largement indifférents, et parce que choisissant de se conclure de manière maladroite, comme pour abandonner ses protagonistes dans un marasme d’indécision (… même si l’on peut, du coup, anticiper une seconde saison…), Black Space s’avère finalement bien en deçà du potentiel de son sujet.
Mais, même si l’on peut au mieux parler de demi-réussite, Black Space présente au moins l’intérêt de susciter une réflexion sur le mal que fait à nos enfants, que nous fait aussi, le climat de menace constante qui est de plus en plus intense dans nos sociétés. Et sur les réflexes néfastes qui constituent souvent notre seule réponse : le mépris et la haine de l’autre, qui conduisent inévitablement au pire.
Eric Debarnot