Don Lomax a servi au Vietnam en 1966. S’il n’a pas directement combattu, il a observé, écouté et pris des notes. L’occasion pour les lecteurs francophones de se plonger dans une brillante et authentique bande dessinée de guerre.
Dès les premières pages, un étrange sentiment de familiarité nous étreint. Comme se fait-il que nous connaissions mieux les M-113 et M-16, les Huey et les Phantom, que leurs équivalents français ? Pour avoir vus et revus Apocalypse Now, Platoon ou Full Metal Jacket, nous avons baigné dans la « culture militaire » yankee.
Don Lomax a beaucoup dessiné, mais Vietnam Journal est sa grande série. Il est tentant de l’identifier à son héros, Scott Neithammer, alias « Journal ». Ce quadra replet détonne au sein de ces cohortes de gamins en uniforme. Le format des comics impose des histoires courtes, dont le seul lien est le personnage de Journal, un reporter de guerre courageux et sans illusions. Lomax s’inspire de faits réels, que l’on ne peut décemment qualifier d’anecdotes, on y meurt trop.
Que nous raconte-il ? Jadis, les GI’s reculaient ou avançaient au fil des combats, la guerre avait un sens. Ici, le Vietcong est partout. Il se concentre et attaque un poste. La cavalerie accourt et l’aviation bombarde. On se massacre pour une colline. Les Viets s’échappent, abandonnant tireurs embusqués et pièges. La colline est conquise, mais déjà les GI’s se retirent, relâchant leur prise. Pour justifier les morts et les destructions, l’état-major n’a rien trouvé de mieux que le sinistre body count. Compter des cadavres…
Lomax s’avoue influencé par les travaux du caricaturiste et maître du comics d’horreur Jack Davis, et surtout par ceux de Berni Wrightson, le créateur de The Swamp Thing. De fait, son trait associe un réalisme violent et légèrement caricaturé à une recherche de vérité. Les postures, les détails insolites ou pratiques ne trompent pas : Lomax est un vétéran désabusé. Cette guerre n’était pas juste. Existe-t-il seulement des guerres justes ?
« The war opened my eyes. Before I went into the war I trusted everybody, and when I came out I trusted nobody or the government. » (« La guerre m’a ouvert les yeux. Avant de partir en guerre, je faisais confiance à tout le monde, mais à mon retour, je ne faisais confiance à personne ni au gouvernement. »)
Stéphane de Boysson