Entre le marteau de la crise du Covid-19 et l’enclume du poids des plateformes de streaming, l’avenir s’annonce incertain pour de nombreux artistes. Cyril Clerget pour BENZINE a souhaité de donner la parole à trois d’entre eux, originaux, généreux et enthousiastes dans leur démarche. Trois producteurs/artistes de l’ombre mais grands par le talent qui les unit.
Si l’ordre des mousquetaires existait encore, ils en feraient surement partie, la musique les a choisis. Fines lames du beatmaking, as de la programmation et des samples, adeptes de la pollinisation croisée en matière de musique en solo ou en ‘’crew’’, ils ont beaucoup en commun en dépit de parcours respectifs assez différents. Place à Guts, Degiheugi et Bruno »Patchworks » Hovart.
Guts, visionnaire »bien heureux », six albums au compteur depuis 2007 en solo et en groupe (dont le dernier »Philanthropiques » parut en 2019), beatmaker, compositeur et producteur ayant son propre label Pura Vida dans le cadre familial du label frère Heavenly Sweetness, DJ, digger aux quatre coins du monde de galettes rares et ensoleillées, il a commencé sa vie musicale en électrisant les productions funky-hip hop d’Alliance Ethnik (Simple et Funky, Respect, vous vous rappelez), Big Red et Swinkels. Toujours à la recherche du beat ou du sample parfait et de collaborations musicales éclectiques (Patrice ou Coddy Chesnutt, le jazzman Leron Thomas, Tanya Morgan, Pat Kalla du super groupe Voilààà Sound System, la chanteuse brésilienne Nazare Pereira ou bien Florian Pellissier et Cyril Atef), ses derniers projets musicaux en témoignent avec les projets Bandé Gamboa coproduit avec le producteur Francisco Sousa en 2020 et les compilations Straight from the Decks (dont le volume 2 vient juste de sortir).
Degiheugi est un DJ, producteur, beat-maker et turntablist français de l’ombre mais très talentueux avec déjà neuf albums à son actif depuis 2006 (qui viennent d’être édités/réédités en vinyles avec des artworks magnifiques et originaux pour le plus grand bonheur de ses fans).). Un MacGyver, amoureux des platines vinyle et des samples en 2003, il sort du « hip-hop traditionnel » et se tourne vers « l’abstract hip-hop » ou hip hop instrumental (un genre musical dont l’objectif est de mettre en avant des DJ, turntablists et beat-makers et leur science du sample comme DJ Shadow, Cut Chemist, MF Doom et Madlib sous l’alias Madvillain, Wax Taylor ou the Waxidermist en France, la liste n’étant pas exhaustive) pour produire une musique plus libre et riche aux couleurs cinématographiques. Dans le cadre de son propre label Endless Smile Records, Degiheugi métisse sont hip hop tout comme ses deux coreligionnaires, d’épices africaines, brésiliennes ou même de bandes-originales de films des années 70. C’est un artiste passionné »unorthodox » mais à découvrir d’urgence pour les amoureux de musique avec un grand M. Ses dernier projets très réussis Vertigo (Juin 2020) et Foreglow (Mai 2021) sont des concentrés de toutes ses influences.
Bruno Hovart, aka Patchworks, Uptown Funk Empire, Mr. Day, Mr. President, Taggy Matcher, est un producteur en perpétuelle fusion, génial touche-à-tout et hyper actif notamment au sein du label Favorite Recordings, il est multi-instrumentiste, illustrateur sonore et remixeur. Il est aussi associé à une liste de projets musicaux en solo ou en groupe longue comme la Route 66 aux univers totalement différents mais complémentaires en passant du rock au jazz avec Metropolitan Jazz Affair et deux albums en 2003 et 2007 (dont on souhaiterait une belle réédition vinyle), le space disco, les musiques jamaïcaines, brésiliennes avec João Selva, africaines avec Voilaaa Sound System (trois albums extraordinaires à découvrir), l’électro, le hip hop boom-bap aux sonorités funk et soul avec Da Break (déjà un second album Let it shine parut en 2020 sur le label La Ruche). Ses influences sont millions et vont de Roy Ayers et MFSB à Vince Montana et Patrick Adams. Il vient juste de sortir son nouvel album One Night sous l’alias Mr. Président, de produire le second album Navegar du chanteur brésilien João Selva et le troisième Voiciii du super groupe Voilaaa.
BENZINE : Comment allez-vous pendant cette période assez trouble qui n’est pas encore terminée ? Les concerts, la passion et l’énergie du public, ça doit sacrement vous manquer.
BH : J’ai eu la chance de faire trois dates en Septembre 2020 avec le Voilaaa Soundsystem, et en effet, ça a été une vraie joie de retrouver la scène, le public et l’énergie de cette rencontre. On a vraiment senti que les gens en avaient besoin. Par ailleurs, je suis vraiment inquiet pour tout un écosystème, qui touche une bonne vingtaine de métiers. Nous avons la chance, en France d’avoir un réseau assez bien structuré, et tout est en train de se casser la gueule. Lorsque ça repartira, beaucoup d’acteurs auront disparu et leurs compétences vont cruellement manquer!
Degiheugi : La passion est toujours là heureusement, mais clairement les concerts manquent autant en tant qu’artiste qu’en tant que public. C’est surtout l’échange avec les personnes pendant et après le concert qui manque. Cependant, je pense surtout à mes amis techniciens, organisateurs, ou qui travaillent dans des salles de concerts, ou autre. Pour eux c’est encore plus dur, car tout est stoppé. Nous en en tant qu’artistes, il nous reste la création, alors on crée en attendant des jours meilleurs.
Guts : Ce fut pour moi une période instable émotionnellement, on n’est pas forcément préparé à ce genre de situation. Aucune formation n’est donnée en cas de pandémie. Puisque nous ne pouvons pas partager notre art de façon concrète et physique, puisque nous ne pouvons pas nous remplir d’émotions et de vibrations fortes avec nos auditeurs , je me suis rempli avec d’autres choses, de longues marches dans la nature, de la spiritualité, de l’amour, un gros travail d’introspection et toujours plus de recherches musicales et de découvertes.
BENZINE : Comment décrire votre univers, vos premiers pas dans la production musicale et votre démarche aujourd’hui en tant qu’artiste multicartes : producteurs, dj, musiciens, beatmakers ?
BH : J’ai toujours mêlé instruments et machines, depuis l’apparition des samplers grand public, début 90’s. Je me définis comme producteur, à savoir quelqu’un qui fabrique de la musique et qui choisit les outils ou méthodes pour parvenir à ses fins. Je défends l’idée d’« organique » dans ce que je propose. Ce n’est pas une question de technique de production (machines vs instruments), mais plutôt une question de ressenti de l’auditeur. Dans un monde d’algorithmes, l’idée que les arts et plus particulièrement la musique soit un vecteur de sensibilité d’humain à humain me tient à cœur. C’est la raison pour laquelle, j’aime bien conservé une part d’erreurs, de hasard, voire de vulnérabilité dans les musiques que je propose.
Degiheugi : Certains appellent ça de l’abstract hip-hop, pour moi c’est juste du hip-hop instrumental avec un penchant onirique. J’ai commencé en tant que DJ (dans un groupe de rap) à l’époque c’était un peu dans la logique que le DJ se colle à la prod’ pour que les gars rappent dessus. C’est ce que j’ai fait, et je me suis rendu compte que j’étais meilleur en prod’ que DJ ou MC. J’ai continué car j’adore faire ça! C’est la façon dont tout ça c’est fait qu’aujourd’hui je suis un peu multicartes, même si pour moi je reste surtout un Beatmaker.
Guts : Mon univers est un monde riche, coloré, varié avec une grande mixité et des métissages en tous genres. Mes premiers pas dans la production remontent à la fin des années 80′ avec la découverte du Hip Hop, j’étais DJ mais très vite, je me suis familiarisé avec les boites à rythmes, les samplers tel que l’EPS Ensoniq et SP12 EMU. Ma démarche aujourd’hui est d’élargir mon horizon créatif et mon expression artistique. J’utilise mon héritage, mon expérience, et mes compétences pour sans cesse repousser mes limites et les transmettre aux autres dans un partage noble et ludique.
BENZINE : Vos idoles d’hier et vos influences d’aujourd’hui ?
BH : Idoles de tout temps: Gil Scott Heron, Neil Young, Sly Stone, Curtis Mayfield, Johnny Cash, Salif Keita, Lucio Bermudes, Quincy Jones… Influences du moment, je ne suis pas trop l’actualité musicale, mais j’adore lorsqu’elle s’impose à moi (chez l’épicier, les gamins avec des boombox, le son qui sort des voitures, la radio dans le bus etc…). Par exemple, petit à petit, j’entends des trucs auto-tunés qui me touchent, alors que j’y étais réfractaire il y a peu. Je ne crois pas que l’innovation musicale soit une fin en soi. Ce qui est nouveau ou « tendance » à vocation à être has-been. J’essaye de me dégager de l’air du temps pour proposer quelque chose d’intemporel, qui a la prétention de bien vieillir!
Degiheugi : Les artistes qui m’ont influencé dans mon style sont clairement des gars comme RJD2, DJ Shadow, Blockhead, Amon Tobin, Kid Koala à l’étranger ou Guts et Imhotep d’IAM en France. Mes influences d’aujourd’hui sont hyper variées car j’écoute vraiment de tout. A force de digger des vinyles pour créer des sons, tu élargis tes gouts musicaux. J’écoute beaucoup de musique brésilienne, ou d’Amérique Centrale, mais aussi du rap UK ou US, de la soul… bref, c’est très varié. J’écoute aussi beaucoup ce qui se fait dans le milieu. Je crois que tout ça m’influence indirectement.
Guts : Mes idoles d’hier, ce sont surtout des sportifs et des musiciens… Diego Maradona et Michael Jordan pour les sportifs, Bob Marley et Stevie Wonder pour les musiciens, mais dans les deux cas, ce sont surtout des artistes d’exception… Mes influences d’aujourd’hui, ce sont les découvertes d’hier qui ne font que me nourrir au quotidien. Ce que j’aime avant tout aujourd’hui, c’est la musique hybride qui mélange l’acoustique et le digital. Mon influence majeure est le groupe Gorillaz qui réunit et rassemble tous ce que j’aime, sans parler de l’univers visuel ultra puissant et créatif.
BENZINE : Quels sont vos derniers projets musicaux récents et futurs ?
BH : Avec David Walters on a produit son album ensemble et il l’a défendu en 2020, ce qui n’est pas la meilleure année. Je crois avoir été à ma place sur ce travail, en me mettant au service d’un artiste et en lui permettant de sortir de lui-même la sève, le suc, et souvent des traits de personnalité qu’il ne soupçonnait pas. Concernant Voilaaa, il s’agit d’un collectif où les responsabilités sont réparties selon les compétences. Pat Kalla et Lass sont d’excellents chanteurs et entertainers, le contact avec le public, c’est EUX ! Freakistan est un DJ très fin et très subtil, le gouvernail sur scène, c’est LUI ! En studio, je fais 90% du travail seul, c’est donc moi le chef. Ce système fonctionne bien, et me plait beaucoup ! Et le succès de Voilaaa sur scène comme sur disque nous surprend chaque jour! Je viens de finir le nouveau double album (Février 2021) ! Da Break : c’est ma team historique, autour de la chanteuse Hawa. Second album sorti en 2020, troisième à l’écriture. De la soul music, comme je l’aime, deep et incarnée par une chanteuse de grand talent ! Enfin, Mr. President, je suis super content de la réception du nouvel album, sorti tout récemment, et dont je suis assez fier, je dois l’avouer. Sinon, je prépare l’album solo de Lass, un nouveau Taggy Matcher (mon projet reggae) et une collab’ Lyon/NYC, avec le MC Nelson Dialect dans un style boombap 90’s!
Degiheugi : J’ai pas mal d’autres projets en cours mais mes derniers projets en date sont mon nouvel album Foreglow (Mai 2021) et un EP qui s’appelle Vertigo. Ce n’est pas un projet solo comme d’habitude. L’année dernière j’ai eu besoin de faire un break. Avec mon pote Skap’1, on s’est marré à faire quelques sons, je compose, il rappe. On a trouvé ça pas si mauvais (rire), on a sorti le projet en vinyle, un truc confidentiel, mais authentique, juste pour la passion de faire de la musique.
Guts. : Mon dernier album fut Philantropiques, une expérimentation collective dans mon virage Afro-Tropical. Également un projet que j’ai chapeauté sorti l’année dernière qui se nomme Bandé-Gamboa, un hommage au patrimoine musical du Cap Vert et de Guinée Bissau. Et aussi un superbe album Hymne à la vie de Pat Kalla & Le Super Mojo (Juin 2021) que j’ai réalisé l’année dernière. Je viens de sortir le volume deux d’une nouvelle compilation Straight From The Decks qui rassemble les petites pépites de mes DJ set. Actuellement , je travaille sur un nouvel album collectif que j’envisage d’enregistrer à Cuba et en parallèle , je réalise les albums de K.O.G , Cotonete et El Gato Negro
BENZINE : Comment arrivez-vous a concevoir votre musique qui se produit et se consomme différemment aujourd’hui ? Pour toucher le public, la musique est-elle encore un espace protégé ou l’imagination, l’ambition, la poésie, l’improvisation, l’expérimentation, l’imprévisible ont encore leur place face à une présence envahissante des algorithmes des plateformes de streaming et des réseaux sociaux?
BH : La musique, selon moi n’échappe pas au problème de temporalité que rencontre l’ensemble de la société. L’injonction à être présent tout le temps et partout, l’occupation de l’espace médiatique ne me convient pas. Je crois plutôt que ce qui est rare devient valeureux. C’est la raison pour laquelle je reste assez discret. C’est aussi la raison pour laquelle je réponds à tes questions puisqu’elles ne se focalisent pas uniquement sur la promo d’un disque précis (qui cela dit est super et que tes lecteurs doivent acheter au plus vite… (rires). Je crois en ce que je fais, j’ai confiance en ma musique et j’ai un réel plaisir à ce qu’elle soit écoutée, mais je n’ai pas envie de mettre quoi que ce soit de ma vie perso à la disposition du public. Par chance, il est plus facile pour un producteur de rester dans l’ombre que pour un chanteur, qui se doit de développer une image et l’alimenter en permanence. Mon métier, c’est de parler aux oreilles des gens, pas à leurs yeux !
Degiheugi : En fait, je ne me pose pas toutes ses questions-là. J’ai toujours vu ma musique comme une échappatoire à ma vie quotidienne. Je compose ce que j’ai envie de composer, si ça plait tant mieux, si ça ne plait pas ou plus tant pis. Je ne calcule pas si tel ou tel morceaux va convenir aux algorithmes, au format radio, au concert… Je compose c’est tout, après c’est le public qui décide. Avec le confinement, il n’y a plus de concerts, plus de rencontres musicales, donc il ne restait que la sphère privée. Que veux-tu que je partage à part ma musique ? J’ai une vie on ne peut plus normal mec, j’habite à la campagne, j’ai une femme et deux chats. J’voyais des artistes poster des choses tous les jours pour exister… des musiciens faire de tutos cuisine… Je trouve ça triste, car si ta priorité dans la vie c’est ça, pose-toi des questions. Alors oui, j’essaye de partager ce qui tourne autour de la musique, car sinon tu n’existes plus du tout, c’est le jeu faut faire avec mais j’essaye au maximum de garder mon cercle privé pour moi et ne pas m’inventer une vie sur les réseaux sociaux pour faire croire que ma vie d’artiste c’est Miami…
Guts : J’ai un rapport distant et consciencieux avec cet espace protégé dont tu parles . Le plus important, c’est la façon dont tu vas utiliser cet espace qui peut vite être additif et toxique. Les algorithmes ne réagissent qu’avec des émotions de masse et ultra subjectives . Je ne souhaite pas être guidé, manipulé et dirigé par ces algorithmes. Pour ma part, je n’écoute jamais de musique sur Deezer et Spotify, mais forcé de constater que cela convient à une majorité de personne et que chacun y trouve son bonheur. Chacun va consommer la musique à sa façon, pour s’accompagner, pour vibrer, pour respirer, pour fuir, pour s’émouvoir, pour se calmer, pour danser, pour partager mais cela reste souvent aseptisé. La plupart des gens écoutent la musique en faisant autre chose ou avec leur téléphone portable. Si tu veux vraiment ressentir l’âme de la musique, tu dois t’y connecter en ayant tous tes sens focalisés sur la musique et en écoutant toutes les fréquences de la musique grâce à un bon casque ou un bon système d’écoute, là, tu vas pouvoir faire vibrer ton monde intérieur si la musique te touche.
BENZINE : Est-ce que la notion de voyage (qui est à plusieurs niveaux de perception) se doit d’être un élément primordial de la conception de vos albums à l’instar d’un Quantic avec ses projets solos ou en collectif comme Ondatropica ?
BH : Oui, mais les albums ne sont pas forcément des carnets de voyage. Je ne rate jamais l’occasion d’aller voyager dans un pays, accompagné d’un ami, musicien local (Colombie avec Alejandra Charry ou Brésil avec Joao Selva). Les tournées peuvent parfois être une occasion de découvrir les sonorités ou des ambiances, comme ce fut le cas avec Voilaaa en Equateur. Et bien sûr les voyages personnels permettent de voir mon propre pays (la France) de l’extérieur, via le regard des autres. Mais je continue à travailler principalement avec des musiciens de la région lyonnaise, avec qui nous échangeons beaucoup de disque et de musiques, exotiques, ou pas. En gros j’aime l’idée qu’il n’y a pas besoin d’être à Lagos pour faire de la musique nigériane. C’est un des aspects intéressant de l’ère moderne.
Degiheugi : Je parlerais plutôt d’histoire que de voyage. J’aime que mes albums aient un fil conducteur narratif et poétique. Après une fois l’album composé, il ne m’appartient plus, il est aux auditeurs. Et si ça les fait voyager, réfléchir, pleurer, sourire, alors c’est réussi. Mais ça, pour moi ce n’est pas contrôlable. Les voyages sont inspirant autant humainement que musicalement, mais je n’ai jamais (encore) abordé un disque en me disant « faisons voyager les gens dans tel pays »… Guts le ferait mieux que moi.
Guts: J’aime le fantasme et l’illusion, ce sont des éléments qui me protègent personnellement à tort mais que j’utilise dans ma démarche créative. Ça fait partie des ingrédients dont j’ai besoin pour m’exprimer vers l’extérieur mais j’aimerai un jour pouvoir faire un album avec cette notion de voyage mais vers l’intérieur.
BENZINE : Lors de la conception de vos albums en solo ou collaboration, comment envisagez-vous votre volonté de dire plein de choses, de faire passer des messages parfois sur des sujets graves qui vous préoccupent (les disques, vous les faites pour vous aussi) a des gens que vous ne connaissez pas et à leur l’impact tout en gardant une certaine distance pour ne pas gâcher le plaisir de l’écoute de la musique?
BH : Lorsque je produis le disque d’un artiste, on met notre travail commun au service de SON discours. Bien sûr si je ne le validais pas, je ne le ferais pas. Sinon je ne porte pas vraiment de message dans ma musique, mis à part de rares prises de positions dans Voilaaa. C’est marrant parce que je suis plutôt du genre à l’ouvrir bien grande dans les polémiques de comptoir. J’admire ceux qui savent faire ça avec élégance et poésie (Gil Scott Heron, Johnny Cash, Marvin Gaye…), mais je n’ai pas cette faculté. Par conséquent je préfère m’abstenir parce que dans cet exercice, la maladresse est vite pathétique… (rires) !
Degiheugi : Sur mes albums solos, en faisant de la musique instrumentale c’est dur de faire passer un message. Parfois j’ai l’impression que le message est clair mais il ne l’est que pour moi au final ! (rires) ! Parfois j’utilise des samples de voix, des phrases, pour accentuer ce message, comme dans mon morceau The consumer qui parle de la frénésie de consommation, ou en m’appuyant sur un clip comme dans mon titre La découverte, je parle des choix d’un père qui entraine son gosse dans sa chute, avec un petit clin d’oeil au quartier où j’ai grandi qui s’appelle aussi la découverte… Mais à part s’appuyer sur un MC où on se mettrait d’accord sur le thème comme on l’a fait avec Skap’1 sur l’EP Vertigo, c’est difficile de faire clairement passer un message tout en restant musicalement agréable. Vertigo est basé là-dessus sur tous les thèmes qui nous tenaient à cœur et que l’on voulait aborder.
Guts : En général, j’essaye de trouver un juste équilibre entre musique consciente et musique insouciante. Si le message est frontal comme la Révolution, ça sera toujours enrobé d’amour et de paix …Une Révolution pacifique ! J’aime prendre le mauvais et le traduire en bon ou en bien.
Le message doit être toujours agrémenté de poésie et de fantaisie, je trouve ça plus intéressant à partager dans un contexte artistique et c’est plus doux pour nos âmes.
Fin de la 1ere partie de cette interview réalisée par Cyril Clerget entre Avril 2020 et Mai 2021