Même s’il paraît difficile de surprendre encore le téléspectateur gavé de thrillers psychologiques, Mon Amie Adèle réussit à sortir du lot et à nous offrir un spectacle aussi divertissant qu’étonnant.
Quelque fois, pour faire une bonne série, il suffit de prendre un bon roman, et de l’adapter soigneusement, sans le trahir, avec de bons acteurs qui vont faire le boulot pour lequel ils sont payés. Après, le résultat ne révolutionnera certes pas le Septième Art – ou quel que soit le numéro que l’on donne désormais à « l’art » de la série TV – mais fera passer un bon moment à son public. Et pourquoi pas ?
Mon Amie Adèle, c’est ça et seulement ça. Mais, petit bonus non négligeable, c’est une série anglaise, ce qui nous protège largement des clichés US, et garantit un minimum d’originalité à ce « thriller psychologique » avec un « petit plus » : le charme de l’accent écossais, par exemple, de deux des principaux protagonistes, et puis l’ambiance londonienne, qui font passer la pilule quand, en particulier durant les trois premiers épisodes, on a l’impression que l’intrigue peine à avancer…
Mon Amie Adèle (Behind Her Eyes est le titre original, un peu plus pertinent), la mini-série créée et écrite par Steve Lightfoot, est donc tirée d’un livre de la romancière anglaise à succès – dans le genre fantastique – Sarah Pinborough, et nous raconte l’histoire de Louise, jeune femme divorcée qui va rencontrer séparément et en quelques jours les deux partenaires d’un même couple avec lesquels elle va développer des relations que l’on pourrait qualifier d' »incompatibles ». Et se retrouver dans une impasse totale avec des conséquences désastreuses sur sa propre vie. Sauf que, bien entendu, comme dans tout bon thriller qui se respecte, rien dans la réalité n’est ce qu’il paraît…
On peut, comme on l’a dit, avoir l’impression que le début de la série prend beaucoup de temps à détailler la vie quotidienne des personnages et à construire peu à peu les relations complexes entre eux, mais on prendra facilement son mal en patience grâce à la forte personnalité des acteurs, et en particulier de la lumineuse – et inquiétante – Ewe Hewson, déjà admirée dans The Knick de Soderbergh qui incarne une Adele parfaite en tous points. Et tout cela fait totalement sens dans la seconde partie, d’abord avec un effet de basculement à la fin du quatrième épisode, puis avec le développement d’un aspect fantastique de l’histoire, débouchant sur une conclusion particulièrement réussie (… qui échappe qui plus est au « happy end » et aux conclusions « morales » qu’une version US de la même histoire nous aurait certainement imposées).
Le téléspectateur, qui aura passé une bonne partie de la série à apprendre à comprendre, puis à aimer les différents personnages, tout en se demandant « qui manipule qui ? », se trouvera bien surpris par ce final brillant, qui pourra même séduire les plus réfractaires aux scénarios fantastiques, tant il est lourd de conséquences, toutes tragiques.
Eric Debarnot