Les quatre frères Dalton ne sont pas nés hors-la-loi. Bien au contraire ! Ils ont même été marshals dans leur jeunesse ! Antoine Ozanam et Emmanuel Bazin réhabilitent avec subtilité les célèbres bandits.
La magnifique couverture est à l’image de ce surprenant album. Des cavaliers s’éloignent lentement sur une prairie plate et uniforme. Les deux premiers sont plongés dans l’ombre, seul Emmett demeure au soleil.
Le scénario d’Antoine Ozanam ne brille guère par son originalité. Construit sur une succession de flash-back, ce biopic réaliste brise la légende des terribles frères Dalton. En les transformant en monuments de la bêtise et de la méchanceté, René Goscinny a plus que forcé le trait. La vérité est toute autre. À sa sortie de prison, en 1908, Emmet se voit proposer par un producteur de cinéma de corriger un scénario retraçant la carrière des frères Dalton. Après une hésitation, et seulement afin de protéger la réputation des siens, le dernier survivant de la bande accepte de raconter leur véritable histoire.
Issus d’une fratrie pauvre de quinze enfants, les quatre garçons ont débuté comme défenseurs de la loi. Les marshals étaient alors très mal payés, et seulement au résultat. Une poignée de dollars pour risquer leur vie. Dans l’impossibilité d’en vivre décemment, ils lâchent le métier pour se faire cow-boys. L’Ouest des Dalton évoque l’âpre Amérique de John Steinbeck et de Jack London. La vie est dure dans l’Oklahoma de la fin du XIXe siècle. La société y est brutale et l’argent rare. Or, ils savent se servir d’un revolver…
Mais c’est le dessin d’Emmanuel Bazin qui force l’admiration. Pour sa première publication, le jeune manceau nous offre de magnifiques monochromies vertes, bleutées ou terre de Sienne. L’alliance de visages austères, lisses et peu expressifs, de perspectives plongeantes, de plans larges aux lumières rasantes accentuent la solitude et la mélancolie de ses personnages. Le résultat est plus proche d’Edward Hopper que de Morris. Je ne me lasse pas de contempler la locomotive à vapeur, à l’arrêt. Le temps suspend son vol. Vivement la suite.
Stéphane de Boysson
Mauvaise réputation. La véritable histoire d’Emmett Dalton, tome 1
Scénario : Antoine Ozanam
Dessin : Emmanuel Bazin
Éditeur : Glénat
72 pages – 15,50 €
Parution : 2 juin 2021
Mauvaise réputation – Extrait :