[OCS] The Handmaid’s Tale – Saison 4 : comment raconter « l’après » d’une histoire aussi forte ?

La quatrième saison, présentée comme la dernière, de The Handmaid’s Tale, l’une des plus belles réussites de ces dernières années, s’égare malheureusement dans un « après » ambigu et peu convaincant… A suivre ?

Handmaids
Elisabeth Moss – Copyright Hulu

On sait depuis toujours que l’un des plus gros défis à relever pour une série, c’est de réussir sa sortie, et que, logiquement, les « grandes séries », ou les séries les plus populaires passeront ou pas à la postérité largement en fonction de leur fin. La fin catastrophique de Lost est encore dans toutes les mémoires, tandis que la conclusion merveilleuse de Six Feet Under figure toujours au panthéon des meilleurs souvenirs des fans de séries TV. Il y a toujours des discussions sur la dernière scène – suspendue – des Soprano, et encore plus, évidemment, sur le sort réservé à certains personnages de Game of Thrones dans la dernière saison… The Handmaid’s Tale (la Servante Ecarlate) a été sans conteste l’une des grandes réussites – et il y en a finalement peu – de la dernière décennie, en particulier lors de ses deux premières saisons qui frôlaient la perfection, et on craignait après une troisième saison qui baissait un peu en régime, ce que Bruce Miller et ses scénaristes allaient nous proposer pour boucler une histoire qui aurait, soyons réalistes, dû se terminer depuis longtemps.

The Handmaids Tale S4 AfficheLe plus gros problème de cette quatrième saison est qu’elle a pour but de nous raconter « ce qui arrive APRES ». Après l’histoire terrifiante de June Osborne, captive – comme des milliers de jeunes femmes encore fécondes sur une terre où les bébés sont rares – d’une dictature religieuse qui la réduit au rôle d’esclave sexuelle porteuse de bébé. Après que June se soit libérée de ses chaînes, et ait dans une certaine mesure porté un coup terrible à Gilead (le nouveau nom d’une partie des USA ayant fait sécession) en organisant l’évasion de dizaines d’enfants. Et il est clair que les scénaristes ne savent pas trop quoi faire et parcourent toutes leurs options, les unes après les autres : d’abord, dans un démarrage de saison qui laisse vraiment beaucoup à désirer, l’option de la « résistance » que rejoint June, et qu’on ne verra pas réellement, ce chapitre se terminant dans d’improbables scènes de guerre qui semblent peu justifiables et décalées par rapport à l’atmosphère jusque-là tellement prenante, tellement menaçante, de la série.

Avec le retour de June au Canada, s’ouvre la partie la plus intéressante de la saison : la question bien connue de la possibilité de revenir à une vie « normale » après des années d’horreur, et de la gestion des traumas avec lesquels il faut bien vivre. Comme des « vétérans » de guerres insoutenables, nos anciennes « servantes écarlates » vont devoir faire face à une société dans laquelle elles ne se retrouvent pas si facilement, à des familles qui ont continué de vivre « sans elles », et surtout à des souvenirs qui les dévorent intérieurement. Ce n’est pas original, mais c’est intéressant, et c’est crédible.

Pour June, évidemment, les choses sont encore plus compliquées, entre ses regrets d’avoir laissé derrière elle à Gilead sa fille Hannah, qui l’a oubliée, et son amant Nick qui est devenu l’un des commandeurs les plus puissants (on n’a pas très bien compris comment, mais ce n’est pas grave), et surtout la présence au Canada de ses deux bourreaux, Serena et Fred Waterford. Mais c’est là que la série prend un dernier virage qui s’avère, à notre avis au moins, fatal : face à la nécessité pour le gouvernement canadien de faire un « deal » avec Waterford – les ambiguïtés de la « realpolitik » -, le besoin de vengeance personnelle de June devient dévorant, et amène à une conclusion aussi hâtive que profondément gênante. On sait depuis toujours que satisfaire à l’écran le désir de « faire justice » du (télé)spectateur face à un personnage profondément haï (et le dernier dialogue entre June et Waterford, bien interprété par un Joseph Fiennes onctueux et répugnant, plante le dernier clou dans son cercueil) désamorce largement le propos : devenir bourreau à son tour rabaisse June au niveau de Serena et de Fred, sanctifie le monstre dans une dernière image de victime. En satisfaisant la haine – compréhensible – de l’héroïne, sans prendre le temps de tirer les conséquences de sa déshumanisation puisque le dernier épisode se termine rapidement ensuite (même si on comprend qu’elle ne pourra pas continuer ensuite à « vivre normalement »), les scénaristes de The Handmaid’s Tale défont largement leur superbe construction de description et de condamnation des mécanismes totalitaires, ainsi que de l’asservissement de la femme par l’homme et par la société masculine.

Du coup, on enrage que la série se termine ainsi, dans une fin aussi mal à propos. Et puis on réalise que, visiblement, le destin de nombre de personnages importants restant irrésolu (Hannah, Aunt Lydia, Janine, Serena…), le pari de Bruce Miller était depuis le début de « vendre » aux studios une cinquième saison… Que Hulu et MGM ont d’ores et déjà confirmée ! Et qui sera donc une seconde chance de terminer en beauté, après l’échec de cette quatrième saison.

Eric Debarnot

The Handmaid’s Tale – Saison 4
Série TV US de Bruce Miller
Avec : Elisabeth Moss, Yvonne Strahovski, Joseph Fiennes
Genre : Drame, Politique, Science-fiction
10 épisodes de 50 minutes mis en ligne (OCS) d’Avril à Juin 2021

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