Nellie Bly cherche à se faire interner dans l’asile psychiatrique de Blackwell à New York dans le but d’y enquêter sur les conditions de vie de ses résidentes. Le récit haletant d’une enquête sur la maltraitance féminine à la fin du XIXe siècle.
La Révolution industrielle possède sa part d’ombre, citons l’exode rural, la misère ouvrière, la travail des enfants et le machisme. De son vrai nom Elisabeth Cochrane, Nellie Bly est une magnifique figure d’émancipation féminine par le combat. Après une enfance bourgeoise, Élisabeth voit sa vie brisée par la mort de son père et le remariage malheureux de sa mère. Elle refuse de se soumettre et parvient, de haute lutte, à devenir journaliste. Elle sera la pionnière du journalisme d’investigation, traquant le vice drapé sous la fausse vertu. Ainsi, elle se fait ouvrière pour décrire la souffrance au travail, ou folle pour dénoncer la maltraitance dans les hospices.
Le scénario de Virginie Ollagnier s’articule autour de ses 10 jours d’enfermement volontaire à Blackwells Island, l’asile new-yorkais dédié aux femmes sans ressources. En 1887, Nellie va découvrir, puis prouver, que ces femmes ont pour seul tort d’être misérables et abandonnées par leur famille et que, bien loin de les soigner, médecins corrompus et infirmières sadiques les brutalisent afin de les rendre folles. Elle obtiendra justice.
Carole Maurel apprécie les visages arrondis et malicieux et les grands yeux de type « manga ». Son dessin peut surprendre par le décalage entre la douceur du trait et la noirceur de l’histoire. Le style enfantin ne réserve pas cette bande dessinée aux plus jeunes, au contraire. Des couleurs froides et de bienvenues échappées fantastiques soulignent le tragique de leur situation, mais aussi le courage des malheureuses aliénées.
Ce monde est dur, mais le contraste avec l’Amérique latine – objet de son précédent reportage – est éclairant. Malgré un régime prétendument démocratique, le Mexique est livré à une oligarchie impitoyable et Nellie sera, pour échapper à la prison, contrainte à fuir. Aux États-Unis, elle peut s’appuyer sur deux contrepouvoirs naissants, la presse et la justice. Un seul regret, le livre est trop court pour conter la vie extraordinaire de son héroïne.
Stéphane de Boysson