Mirror II, le surprenant et courageux troisième album des jeunes Australiens, est une petite révolution : plus bruyante, franchement dissonante souvent, cette musique évite clairement toute forme d’équilibre confortable pour l’auditeur.
Le moins qu’on puisse dire, à l’écoute de ce troisième album des Australiens de The Goon Sax, qui se positionnaient à leurs débuts comme des héritiers des Go-Betweens, c’est que, après We’re Not Talking, un second album que l’on avait jugé comme un joli album de transition, Louis Forster et son gang ont abandonné toute prudence, toute retenue, et ont sorti un troisième album surprenant. Et courageux… Non pas que l’inspiration du groupe ait fondamentalement changée, mais l’inévitable passage « à l’âge adulte » de musiciens qui avaient débuté tout jeunes – au lycée – s’est logiquement traduit par une sorte de détermination qui jaillit dès le premier titre, le farouche In the Stone.
Evidemment, avec un producteur comme John Parrish aux manettes, il était inévitable que la carte jouée cette fois soit celle de la rudesse, ou tout au moins d’une sorte de franche frontalité. Mais la mutation du groupe va clairement au-delà de l’influence d’un producteur, aussi doué soit-il : est-ce l’effet d’un changement d’échelle amené par leur signature chez un label plus prestigieux comme Matador, ou par le fait que les compositions ne sont plus principalement dues au talent – très mélodique pour le coup – de Forster. Le style d’écriture bien différente de Riley Jones, qui va vers la dissonance, voire un certain chaos (comme dans Tag, que l’on qualifiera d’expérimental faute de mieux), fait basculer Mirror II dans un univers bien moins confortable pour l’auditeur. Quant aux chansons déséquilibrées de James Harrison, il faudra certainement plusieurs écoutes pour les apprivoiser, tant elles dégoulinent d’une étrangeté parfois plaisante (Temples), mais souvent vaguement malaisante (Carpetry).
Bien sûr, des chansons comme In the Stone, Psychic ou le puissant The Chance – encore très en ligne avec ce que le groupe proposait jusqu’alors – nous éviteront la perte totale d’orientation, mais même là, on remarquera que le groupe se laisse encore plus franchement qu’avant aller à « chanter faux », avec une sorte d’honnêteté formelle qui met en valeur la sincérité qui a toujours été au cœur de leur musique.
Bref, Mirror II, beaucoup plus bruyant, plus hétérogène, plus surprenant que ses deux prédécesseurs, est un album témoignant à la fois d’une ambition bien plus grande et d’une belle détermination. Il ne s’agit plus cette fois pour The Goon Sax de nous séduire, de nous charmer, en répétant des schémas aimés, susceptibles de nous rendre nostalgique d’une pop indie de la fin du siècle dernier, mais bien de s’affirmer franchement comme un groupe novateur, un groupe en mouvement. Un groupe de 2021.
Eric Debarnot