The Fall, trois saisons autour d’une seule intrigue : le face à face étouffant et à la lenteur éprouvante entre une policière anglaise, Stella Gibson (Gillian Anderson), et un assassin pervers, Paul Spector (Jamie Dornan).
A Belfast, l’enquête sur le meurtre d’Alice Monroe piétine – ce qui est d’autant plus ennuyeux qu’elle est la belle fille d’un parlementaire unioniste de l’Ulster. Jim Burns, chef de la police locale et un ami du beau-père d’Alice Monroe, appelle à la rescousse Stella Gibson, Detective Superintentedent de la police de Londres pour passer en revue l’enquête et essayer de dépêtrer tout ça. Elle va y arriver, mais au prix d’un détour : elle se rend en effet compte que le meurtre d’Alice Monroe s’inscrit dans une série de meurtres horribles et pervers contre de jeunes femmes brunes. Entre Stella Gibson et la police nord-irlandaise de Belfast d’un côté, et Paul Spector, le psychopathe serial killer, de l’autre, le face-à-face commence. Il va durer presque une saison et demi ! On suit Stella Gibson, qui doit se débrouiller dans un monde très masculin et dans une société très politisée, et on accompagne en parallèle Paul Spector dans ses crimes, dans sa vie familiale – il a une femme et deux enfants – comme dans sa vie professionnelle – il est conseiller psychologique pour les personnes en deuil… on appréciera l’ironie ! Il faudra encore une saison pour arriver à une conclusion (?), une troisième saison passée par Gibson et la police à essayer d’amasser le plus de preuves possibles contre un Spector, qui essaie de retrouver une mémoire qu’il a (soi-disant) perdue, et dont on ne sait pas s’il la retrouvera à temps pour être jugé…
The Fall s’étale donc sur 3 saisons et 17 épisodes. Seulement 17 épisodes pour 3 saisons !? N’oublions pas qu’il y a une seule enquête et relativement peu d’histoires secondaires – à l’exception des questions politiques de la saison 1 dont il n’est pas fait grand-chose et d’une vague relation lesbienne qui ne débouche sur rien. The Fall raconte donc une histoire que d’autres séries auraient bouclé en 8 ou 10 épisodes, et on y gagne en cohérence ce qu’on y perd en dynamisme. Car la série est lente, très lente, voire très très lente ce qui n’a pas toujours plu (lire par exemple l’article d’Angie Errigo dans The Guardian). Il est vrai que l’histoire prend son temps, tout comme les mouvements de caméras ne sont pas de la plus grande nervosité. On suit avec beaucoup de détails Paul Spector dans le repérage de ses victimes, dans les comptes rendus – remarquablement – dessinés de ses délires meurtriers et dans les meurtres eux-mêmes. On le voit faire jouer ses muscles noueux. On observe les visages des principaux protagonistes avec beaucoup de précision. La scène où la DS Stella Gibson interroge le criminel Paul Spector – épisode 5 de la saison 2 – prend particulièrement son temps. Mais cette lenteur peut s’apprécier, parce qu’elle contribue à maintenir pression et tension à un niveau élevé. Elle contribue à créer une vraie ambiance – The Fall n’est pas 24h chrono !
L’atmosphère de la série est aussi largement due aux acteurs qui jouent remarquablement. Certes, Gillian Anderson a un peu trop tendance à prendre une voix de gorge très concernée et Jamie Dornan à nous faire son regard de fou-qui-ne-s’en-laisse-pas-compter, mais ils sont clairement tous deux habités par leurs personnages. Et ce n’est pas un hasard si Anderson a été nominée comme meilleure actrice aux Crime Thriller Awards de 2013 ou si Dornan a remporté le meilleur rôle masculin au Bafta Awards de 2014. Et les rôles secondaires sont bons – John Lynch (le chef de la police à Belfast) et surtout Colin Morgan (un jeune enquêteur), ou encore Bronagh Waugh (la femme de Spector), Archie Panjabi (Joue la Comme Beckham ou The Good Wife, qui joue la médecin légiste), Niamh McGrady (gardienne de la paix) ou Aisling Franciosi (la baby sitter). Les femmes, on le notera, jouent un rôle central dans l’histoire, ce qui permet (comme l’avait noté Melissa Zimdars) à la série d’éviter les clichés machistes de la série policière.
Et, parmi ces femmes, Stella Gibson occupe évidemment la place de choix. Elle fait preuve d’empathie et est la seule capable de percer la personnalité de Spector et de le faire avouer. Elle est la seule capable de mener l’enquête, là où presque tous les autres hommes échouent. D’ailleurs, les hommes de la série sont plutôt minables, l’un des rares qui soient à la hauteur étant… le tueur, ce qui n’est guère rassurant. Mais pas très étonnant : ils ont tous les deux une faille, une absence à combler. Ils font face aux mêmes démons. Ils se ressemblent.
The Fall a été diffusée pour la première fois en 2013 – 5 épisodes – puis 6 épisodes en 2014 et enfin 6 épisodes en 2016 pour sa troisième saison. Disponibilisée par Netflix en 2020, et par Chérie 25 en 2021, la série a connu un regain d’intérêt. Au point que le serpent de mer d’une quatrième saison – qui avait pointé sa tête après la fin de la troisième – refait surface. Les médias ont commencé à se demander que Gillian Anderson avait bien voulu dire quand elle avait déclaré dans l’un des épisodes d’Actors on Actors avec Elisabeth Moss que le personnage qu’elle aimerait revisiter était celui de Stella Gibson .
A suivre, peut-être…
Alain Marciano