Le nouvel album de Roy & the Devil’s Motorcycle, enregistré par le guitariste de Spiritualized, est une célébration de sons bruts, sales et hypnotiques. Les suisses y propulsent le blues, le folk et le rock dans des retranchements soniques incandescents.
Les gars de Roy & the Devil’s Motorcycle parcourent les scènes européennes depuis près de trente années et sortent des disques quand bon leur semble, le dernier datant de 2014. Sur leur nouvel et cinquième album, le son n’a que peu évolué. Il est toujours aussi rêche et magnifie les larsens et la saturation. Une odeur de neurones cramés subsiste à l’écoute de Im Reich der Wilden Tiere (No Milk, No Sugar), le blues qui coule dans leurs veines est salopé par des influences qui vont des Spacemen 3 au Velvet Underground en passant par Hank Williams. Le titre est la traduction germanophone de Mutual of Omaha’s Wild Kingdom, célèbre documentaire animalier ultra kitch américain datant de 1963 qui présente l’homme blanc comme un « ami » condescendant envers le monde animal.
Invités à Nottingham par Tony « Doggen » Foster, le guitariste de Spiritualized, les quatre musiciens y ont enregistré sept titres emprunts de chaos et d’excès sonores qui restituent à merveille la puissance venimeuse du groupe. Les trois guitares et voix de la fratrie Stähli – il n’y a pas de basse – se complètent dans une énergie non feinte endossées par une batterie primitive en rien démonstrative.
L’imparable Learn To Lose déborde de feedback, de riffs à la Lou Reed et de voix habitées qu’un tempo lunaire encourage à lâcher les gaz. Dans la même veine, Tears On My Pillow et Walking Talking People explorent le garage rock psychédélique à coups de tambourins et de sonorités venues de nulle part. Les chants au bord du gouffre émotionnel remportent le shoot narratif.
https://www.youtube.com/watch?v=L89RBT3Lczo
La surprenante présence d’un xylophone et d’un synthétiseur sur le minimaliste Mo Rice n’altère en rien l’ambiance saturée, tout comme l’instrumental Powwow Highway 89 qui s’étale sur dix minutes et offre un long voyage free d’où surgissent des interventions brèves et cataclysmiques. Deux reprises bien senties comblent les érudits: Ain t Got A Worry de Janis Joplin est à l’origine un titre folk de 1965 complètement revisité qui gagne en puissance boueuse. Quant à l’occulte Look Cown That Lonesome Road de John Jacob Niles, roi du falsetto, il est retranscrit de rude manière. La ballade folk originelle s’effaçant devant cette version poignante.
En véritables Outlaws, Roy & the Devil’s Motorcycle ne faillent à leur réputation, définitivement plus proche de The Jon Spencer Blues Explosion que de Ben Harper.
Mathieu Marmillot