Iwan Lépingle nous propose un retour aux fondamentaux du roman policier, ceux des grands anciens, de Charles Exbrayat à Georges Simenon. Planté sur les rives huppées du lac Léman, Esma est un captivant, bien que classique, polar.
Oubliez les manipulations politiques, le grand banditisme et le terrorisme international, place à la jalousie sordide, au chantage mesquin et aux tueurs à gage de proximité. Une pagination généreuse et une écriture de qualité permettent à Iwan Lépingle de développer l’humanité blessée de ses personnages. Elles peinent à se comprendre, hésitent et se fourvoient, mais affrontent leurs peurs avec audace.
Une jeune turque sans papiers est l’unique témoin du meurtre d’une star de la téléréalité. Esma s’enfuit et trouve refuge chez Audrey, la jardinière. Employées d’une résidence de prestige, nos héroïnes vont se confronter à l’affairisme de leurs patrons. La police est dépassée, tandis que la presse locale en rajoute dans le sensationnel. Touchée par la détresse de son amie, Audrey trouve le courage d’enquêter. Esma pourrait n’être qu’un polar classique, si Esma et Audrey ne se révélaient pas aussi touchantes.
À mi-chemin du dessin d’architecte et du story-board, Lépingle travaille habilement ses volumes tout en schématisant ses silhouettes, qui restent justes et dynamiques. Ses cadrages audacieux et son graphisme épuré rendent l’ensemble parfaitement lisible et percutant. Sa colorisation bicolore, bleue et noire, convient particulièrement aux nombreuses séquences nocturnes, passages obligés du scénario policier. L’angoisse est plus communicative la nuit, quand la ville dort.
Stéphane de Boysson
Esma
Scénario et dessin : Iwan Lépingle
Éditeur : Sarbacane
156 pages – 22,50 €
Parution : 5 mai 2021
Esma – Extrait :