Louise, jeune diplômée, fille d’une famille décomposée de la cité intègre la fonction publique, elle découvre rapidement l’enfer de la bureaucratie française… un roman à la fois drôle, pleine d’humanité, mais aussi de cynique, inspiré par la propre expérience de l’auteure.
Louise, fille d’une famille plus proche de la décomposition que de la recomposition, décide de passer un concours pour entrer dans une administration territoriale afin de subvenir à ses besoins et à ceux de son frère tout en remboursant les prêts contractés par sa mère avant de prendre la tangente. Elle est admise parmi les candidats qui peuvent postuler à un emploi dans une de ces administrations. Elle pose sa candidature, elle est acceptée, elle démarre sa carrière professionnelle en même temps qu’elle découvre une grande administration.
Elle est affectée dans le service qui traite des affaires culturelles – impossible de me souvenir de l’acronyme qui le désigne, tout comme Louise, je me noie dans leur océan. Elle ne comprend pas bien la mission qui lui est confiée, ne sait que faire, s’ennuie à mourir… Elle découvre plus vite les personnels que les lieux où elle se fourvoie régulièrement. Elle s’égare, tout autant, dans les procédures, les organigrammes, les fonctions des différentes personnes qui le peuplent mais constate bien vite qu’il a beaucoup de lèche bottes, de fayots, de planqués, de fainéants, de tire au flanc, de vicelards, de profiteurs avec tout en haut les inaccessibles juste au-dessus de ceux qui sèment la terreur parce qu’ils détiennent le pouvoir de virer, de contraindre.., de sévir de moult façons.., Les « cons » sont partout même si elle découvre quelques personnes sympathiques. Heureusement, Louise a une passion : la musique, elle chante dans un groupe fondé par son petit copain. Comme toute les petites chanteuses éphémères qui défilent régulièrement sur les plateaux télévisés « depuis qu’elle est gamine elle a toujours voulu chanter ! (comme si c’était une fatalité) ».
Elle découvre rapidement que celui qu’elle remplace s’est suicidé, elle comprend vite que ce sujet est brûlant mais finit par apprendre qu’il avait monté une combine pour détourner des subventions pour son compte personnel. Toujours en manque d’argent pour rembourser les prêts contractés par sa mère, entretenir son petit frère abandonné, payer le loyer et les divers éléments de son modeste train de vie, elle décide de reprendre cette combine à son compte mais en s’associant avec son collègue chargé du versement des subventions et joueur invétéré donc toujours à court d’argent lui aussi. Le pari est risqué mais elle doit se donner les moyens de quitter l’enfer dans lequel elle ne peut plus respirer, dans lequel son supérieur l’humilie régulièrement…
Anne-France Larivière a écrit ce roman comme un journal dont chaque journée commence par un extrait de l’intranet interne très formel, technocratique, impersonnel, froid même s’il cherche recueillir l’empathie des lecteurs. En contrepartie, l’intrigue, est, elle, rédigée, en totale opposition, dans une langue proche de la langue vernaculaire, proche du parler de la rue, vive, alerte, imagée, remplie de formules lapidaires et de traits d’esprit. Ce roman, c’est l’histoire de la rencontre d’une jeune fille appartenant à frange de la génération désabusée qui a connu la décomposition familiale, tâté de nombreux stimulants, cette génération qui ne croit pas plus à la politique qu’aux vertus du travail, avec la rigueur, toute aussi formelle qu’inefficace, régnant dans les grandes institutions ; notamment dans les nombreuses administrations créées ou développées à l’occasion de la dernière réforme territoriale. Le choc entre deux mondes aux valeurs inconciliables, celles des cités et celles enseignées par les grandes écoles qui forment les cadres de ces administrations et des grandes entreprises. Le monde de la débrouillardise et de l’improvisation contre le monde de la règle et de la procédure, celui des dépourvus contre celui des nantis. L’auteure semble bien connaître le milieu qu’elle décrit, son histoire sent le vécu. « Son expérience du vide dans une grande administration lui a inspiré cette histoire pleine d’humanité, cynique et drôle ».
Comme dit Christophe Esnault dans une nouvelle publiée dans le recueil : « Mollo sur la win » édité par Cactus inébranlable éditions : « Entre le grand public, abreuvé par les clichés déversés par les médias, et les patients (citoyens), aux prises avec une institution qu’ils ne peuvent que rejeter, elle reste persuadée qu’une relation humaine peut s’instaurer. » A condition que…
Denis Billamboz