Ouvrant le second cycle du Marvel Cinematic Universe (MCU) sur Disney+, WandaVision présente surtout l’intérêt pour les non-initiés de rendre hommage à l’histoire de la sitcom familiale US. Est-ce suffisant pour autant ?
Est-il encore possible de faire partie de la catégorie de cinéphiles réfractaires au MCU, c’est inévitablement la question qui vient à l’esprit en regardant, ou plutôt en essayant de regarder et de comprendre quelque chose à WandaVision, la série mise en ligne sur Disney+ et plus ou moins en charge de passer à l’étape suivante de la grande narration Marvel (avant la sortie en salle de Black Widow). Car si les premiers épisodes de la série, charmants mais finalement plus proches de l’exercice de style que de quoi que ce soit d’autre, peuvent être apprécié par n’importe qui, les choses se compliquent à partir du quatrième épisode, lorsque la « réalité » (enfin, la réalité du monde uchronique de chez Marvel, mélange assez psychédélique de S.F., de légendes mythologiques, et de délires geeks) reprend peu à peu le dessus.
WandaVision se présente donc – spoilons un peu, mais pas trop – comme une sorte de version Marvel de Truman Show ou de la série anglaise classique Le Prisonnier, où un monde artificiel a été créé pour contenir ses résidents, avec toutes les questions qui se posent automatiquement : qui est le prisonnier ? qui est le geôlier ? quel est le but de cette construction très élaborée ?… soit des interrogations stimulantes, mais auxquelles les scénaristes apportent sans doute trop de réponses trop tôt dans le déroulement de la série. Car finalement, une fois que WandaVision retombe dans le tout-venant des films Marvel, avec conspiration des autorités (la dose habituelle de manipulation / paranoïa qui semble inévitable à notre époque), délires ésotériques un peu branlants (les sorcières et leurs runes, leurs pouvoirs, etc.) et surtout scènes de baston interminables, il faut bien dire que notre intérêt à nous, étrangers à cet univers, retombe largement…
Il y a à la base de WandaVision, au-delà de l’histoire « de fond » sur deux super-héros (Wanda est une sorcière et Vision un homme bionique, si on a bien compris) tentant de « survivre » après les événements relatés dans Avengers : Endgame qui concluait le premier cycle du MCU, cette idée absurde mais diablement ludique que la vie quotidienne des deux protagonistes dans leur banlieue idéale de Westview soit diffusée à l’extérieur sous forme de sitcoms. Ça ne fait évidemment aucun sens par rapport au concept d’un lieu fermé qui ne devrait pas être « intelligible » de l’extérieur, mais chez Marvel, la logique n’a jamais été un souci. C’est surtout même sacrément drôle de savourer ces hommages – largement régressifs – aux classiques de la télévision familiale US : d’abord le Dick Van Dyke Show, Ma Sorcière Bien Aimée (dans un second épisode vraiment très réussi, il faut bien l’admettre !) pour le début des années 60, puis The Brady Bunch avec le passage à la couleur à la fin des années 60, et enfin des choses comme Malcolm ou encore Modern Family pour les sitcoms plus « modernes ». Et c’est finalement au cours de ces scènes de comédies ou de romance que le talent d’Elizabeth Olsen et de Paul Bettany, qui forment à l’écran un couple crédible et régulièrement touchant, peut pleinement s’exprimer. Grâce à eux, WandaVision n’est pas seulement un divertissement inutilement compliqué pour fans du MCU, mais une jolie comédie romantique, qui pourra séduire les plus réfractaires à l’univers des super-héros…
Bien entendu, la conclusion de WandaVision nous semble catastrophique, à la fois incompréhensible et hideuse, et nous comprenons pleinement la décision de Disney / Marvel de ne pas poursuivre plus en avant cette expérience assez farfelue. Mais laissons plutôt les vrais connaisseurs débattre entre eux sur le sujet hautement ésotérique de la cohérence de la construction du MCU…
Eric Debarnot